Synopsis
Une femme inconnue lit et commente les lettres qu’elle reçoit d’un ami – cameraman free-lance qui parcourt le monde et s’attache particulièrement à ces deux “pôles extrêmes de la survie“, le Japon et l’Afrique, représentée ici par deux de ses pays les plus pauvres et les plus oubliés, bien qu’ils aient joué un rôle historique, la Guinée-Bissau et le Cap-Vert. Le cameraman s’interroge (comme tous les cameramen, en tout cas ceux qu’on voit au cinéma) sur le sens de cette représentation du monde dont il est perpétuellement l’instrument, et le rôle de cette mémoire qu’il contribue à constituer. Un sien camarade japonais, qui a visiblement un grain mais un grain japonais, en forme d’électron, répond pour sa part en agressant les images de la mémoire, en les disloquant au synthétiseur. Un cinéaste s’empare de cette situation et en fait un film, mais plutôt que d’incarner ces personnages et de montrer leurs rapports, réels ou supposés, il préfère livrer les pièces du dossier à la façon d’une composition musicale, avec thèmes récurrents, contrepoints et fugues en miroir : les lettres, les commentaires, les images recueillies, les images fabriquées, plus quelques images empruntées. Ainsi de ces mémoires juxtaposées naît une mémoire fictive, et de même qu’on pouvait lire autrefois à la porte des loges “la concierge est dans l’escalier“, on voudrait ici faire précéder le film d’une pancarte : “la fiction est à l’extérieur“. Chris Marker
Distribution
- Ni acteurs, ni rôles, mais une foule de personnages reéels et fictifs, historiques et légendaires
« La fiction est à l’extérieur », nous dit Marker. Sans soleil en effet est un film sans intrigue, sans action, sans acteurs et sans personnages, au sens de la fiction. Personne n’y joue, même si certains s’amusent visiblement à l’image ou avec les images (comme Hayao). Le film ne raconte pas une histoire, il nous parle de fragments de notre histoire, de notre monde (celui de la seconde moitié du XXème siècle), il nous conte, sur le mode épistolaire, plein de petites histoires, légendes et observations documentaires.
Le traversent donc nombre de personnes anonymes voire invisibles ; quelques personnes nommées par leur vrai nom (tels Hayao Yamaneko, créateur de la Zone, ou M. Akao, leader nationaliste) ou par leur nom de scène (Kim Novak-Madeleine) ; d’autres par leur surnom (la petite Takenoko qui danse comme un robot) ou leur nom catégorique (tels les Etas ou les Kamikazes) ; d’autres sont désignées par le lieu où elles se trouvent (les dames de Bissau, la chouette de Ginza), d’autres enfin comme auteurs ou objets de citations (ainsi Brando « l’horreur a un nom », ou Sei Shônagon, la courtisane qui rédigeait des listes). En outre, tous les personnages du film ne sont pas des humains, Sans soleil compte autant d’animaux, de statues, de figures mythiques, d’images de films…
Et tous, personnes réelles (M.Okada, propriétaire de grands magasins) ou personnages mythiques (le bonze d’Asakusa, Madeleine), personnages historiques (Jeanne d’Arc, Cabral) ou inventés (l’homme de l’an 4001), animaux singuliers (le chien Hachiko, la girafe) ou espèces (les émeus), vivants ou morts, souvenirs persistants (les samouraïs) ou presque oubliés (la Noro d’Okinawa), tous sont traités sur le même plan, ont la même importance relative pour composer la trame mnésique d’une Histoire composite et feuilletée . Histoire faite par chacun et qui nous dépasse tous, mais qui, par la vertu du récit et de la poésie, trouve cependant un sens et nous fait encore signe, avant de devenir hiéroglyphe indéchiffrable dans la Zone future de l’an 4000.
Rappelons donc quelques uns de ces personnages qui composent le film (plus qu’ils n’y jouent). Par ordre d’apparition à l’écran… - Trois enfants sur une route en Islande
Qui ils sont n’importe pas. Ils sont la première image du film, tirée du noir initial. Un plan un peu tremblé, au télé-objectif, le soleil doré, bas, c’est visiblement très au nord (la voix de femme qui annonce l’image nous le dit : Islande, 1965). Ca ressemble à du cinéma d’amateur, du film de famille : ces trois blondinets qui avancent groupés, sont-ils des proches du filmeur, ou une rencontre de hasard ? La voix nous dit qu’ils sont l’image du bonheur, pour lui, donc pour nous. Émoi partagé. Mais où est le bonheur dans l’image ? Partout et nulle part (peut-être dans le noir qui suit ?). Il n’est pas dans le sujet, ni dans l’œil maternel ou créatif du filmeur, ni dans la situation… Il n’est pas dans l’image, il est cette image : il est ce moment suspendu, enregistré et revu ; il est ce « revoir », acquiescement différé au présent. Le cinéaste nous transmet ce qui s’est passé pour lui, entre tournage et montage : le bonheur suscité par une simple prise de vue comme prise de vie, comme rencontre entre mon regard et d’autres, à travers champ, à travers temps.
Ainsi « tout naturellement », ils reviendront, « nos » trois enfants d’Islande, pour trouver place (par la magie du montage) dans la ronde des enfants japonais autour du feu de joie accommodant les restes de la fête. - « Il m’écrivait », dit-Elle
En fait les deux personnages principaux du film sont invisibles et anonymes. Elle, la voix qui lit ses lettres ; Lui, qui a tourné ces images et les lui a adressées, à Elle, avec les lettres. Ces images, sa voix à Elle nous les projette à son tour : sont-ce ses vues à lui ou ses visions à Elle ? Images à la fois réelles (pictura, documentaire) et mentales (imago, imaginaire) ; ou plutôt images intersubjectives par les regards qui s’y croisent : lui, elle, eux (les filmés), nous (les spectateurs)… - Les émeus
On n’en voit jamais qu’un à la fois mais la voix nous les dit au pluriel : « Saviez-vous qu’il y a des émeus en Ile de France ? ». Ils sont l’énigme du film. Ils n’ont apparemment pas plus de raison d’être dans le film que dans la nature, ces oiseaux venus d’Australie mais qui ne peuvent pas voler. Comment sont-ils arrivés là ? Dans ce parc et dans ce film ? Leur grâce un peu bête symbolise-t-elle le hasard, le non logique (le plan sans raccord), la prodigalité et la gratuite de la création ? Ou leur présence est-elle simplement due au fait que leur nom évoque en français l’émotion ? - La chatte Tora
Elle est le génie tutélaire du film. Elle l’ouvre et le clôt, et y transparaît sous divers avatars. La prière au temple du chat est la première vraie scène du film, après le préambule (les trois enfants d’Islande) et l’introduction (« je reviens d’Hokkaido »). C’est aussi la dernière scène en prise de vues « réelles » (« de toutes les prières au Temps qui avaient jalonné ce voyage, la plus juste était celle… à la chatte Tora »), avant que le film ne s’absorbe définitivement dans la Zone. La chatte Tora est le furet du film. Même si la statuette du chat la patte levée en figure un ersatz standard, Tora a bel et bien disparu dans les plis du temps… et ses divers avatars nous guettent dans les replis des plans. Jeu de piste : relevez toutes les images de chat figurant dans le film… Exemple : le chat noir à chaussettes blanches qui traverse une route recouverte de cendres en Islande, image de deuil qui est comme l’envers de l’image initiale du bonheur. Comme tout totem (et on sait que le chat est celui de Chris), Tora est en rapport avec le royaume des morts. C’est son nom répété trois fois qui aura servi de signal aux Kamikazes. Le nom propre préserve l’identité jusque dans la mort. Qui perd son nom, perd son âme. Le couple prie non pour que Tora revienne, mais pour qu’elle retrouve son nom où qu’elle soit, même dans les limbes de la Zone. . - Sei Shônagon
Son nom apparaît sur des images aériennes de fusées et de bombardiers américains (terrible lien des nations qui se sont fait la guerre).Dame d’honneur de la princesse Sadako, au XIè siècle, elle est connue comme l’auteur d’un livre de chevet, « Notes de l’appuie-tête », formé d’une suite d’environ trois cents notes sans lien entre elles, jetées sur le papier au hasard des événements et des réflexions. (On voit le parallèle avec la manière du film). Ce genre a connu une grande fortune au Japon, sous le nom d' »écrits au fil du pinceau ». Plus de la moitié des « notes » sont des énumérations, dont la fameuse « liste des choses qui font battre le cœur » ; le reste est fait de récits de choses vues, de scènes saisies sur le vif, où l’ironie mordante le dispute à la poésie. (Traduction française sous le titre Notes de chevet). - La dame du marché de Praïa
Apologie du regard caméra comme regard amoureux. De cette belle Cap-verdienne, on ne saura rien d’autre que ce qu’elle veut bien donner à la caméra et le cinéaste filmer à distance : après l’esquive et l’approche, un « vrai » regard, « qui aura duré 1/25è de seconde, le temps d’une image ». Mais quel regard, et quel montage pour le voler au temps et nous le faire partager ! Un pur événement cinématographique. - Hayao Yamaneko
Créateur et sorcier de la Zone, ces limbes électroniques où les images se dépouillent de leurs lambeaux de réalité pour n’être plus que des images virtuelles de ce qui n’est plus ou pas ou pas encore. D’Hayao, on ne voit jamais l’image (le visage) mais on voit « ses » images, celles qu’il trafique. C’est sa main qui pousse les curseurs du synthétiseur vidéo, et qui au dernier plan déconnecte le film. - Girafe (« Mort d’une girafe »)
La grâce un peu gauche de ce grand corps inutile lancé dans son dernier galop nous montre que, comme l’art, le mouvement de la vie n’a pas d’autre but. Le coup de feu qui abat l’animal au long cou inoffensif n’en paraît que plus cruel et absurde… même si déjà, sous nos yeux, la vie recycle la mort avec l’énergie renouvelée des charognards.
Que vise-t-il, l’homme au fusil, flanqué de l’homme à la caméra qui, depuis les tout débuts du cinématographe, l’accompagne dans ses campagnes de chasse, exhibant les trophées de ce safari planétaire qui a pour nom « colonialisme » ? Dans Les statues meurent aussi, c’est un gorille qui tombait éventré d’un coup de machette devant la caméra. « Sans totem, où ira désormais l’âme de ce grand singe qu’on abat ? Sans ces masques victorieux de la mort, qui réparera le tissu du monde ? », s’interrogeait le commentaire. Formule similaire à celle du rite qu’accomplit ici le couple au temple du Chat : « pour réparer, à l’endroit de l’accroc, le tissu du temps ».
Prise de vues empruntée à Daniele Tessier, « Mort d’une girafe » nous dit aussi quelque chose du cinéma selon Marker. Le cinéma, on l’a dit souvent, « c’est la mort au travail ». Mais, pour Marker, cela ne signifie pas seulement qu’il peut fixer l’instant fatal, cela signifie que, grâce à sa capacité à retenir le présent comme futur passé et à le rappeler par la magie du montage, le cinéma peut être doué de ce pouvoir de réparer la trame (et les traumas) du temps. Répéter et différer : répéter pour différer (au sens de conjurer) l’horreur, créer la différence dans la répétition en renouant par le récit le fil décousu de la vie, n’est-ce pas le trait commun à la prière et à la poésie ? « Pour exorciser l’horreur qui a un nom et un visage, il faut lui donner un autre nom et un autre visage ». - Amilcar Cabral (1924-1973)
On le voit sur une pirogue, il fait au revoir de la main. Il sera assassiné (par la police portugaise, par un de ses frères d’armes ? on ne sait), en 1973, au moment de la victoire du mouvement de libération qu’il avait crée (le Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert) et qui avait pris les armes en 1963 contre la colonisation portugaise, à la façon de la guérilla cubaine.
Cette victoire historique entraîna une rébellion dans l’armée portugaise : de jeunes capitaines hostiles à la poursuite de la guerre coloniale déclenchèrent la dernière révolution que l’Europe ait connue, la Révolution des œillets (1974), qui mit bas la dictature fasciste de Salazar (que subissait le Portugal depuis 40 ans) . - Madeleine
Héroïne de Vertigo, Madeleine est un double : dans la première partie du film de Hitchcock, elle incarne le leurre romantique de l’amour à mort ; dans la deuxième partie, elle est une revenante malgré elle, l’homme fou d’amour fétichiste cherche à recréer avec elle sa star morte. Vouloir que le temps se répète ou se dénie, c’est s’exposer à ce que le mort saisisse le vif, formule nécrophile d’une mémoire obsessionnelle.
Dans une scène fantomatique, Madeleine (Kim Novak) indique une zone sur la coupe d’un séquoia centenaire : « Je suis né quelque part par là… et je suis morte ici ». Le héros de La jetée fera le même geste au Jardin des Plantes, mais en indiquant un point hors de la coupe, c’est à dire hors du temps.
Pour plus de détails, voir Immemory, section Mémoire, « Qu’est-ce qu’une Madeleine ? » ; ainsi que l’article « A Star is Dead » (in Stars au féminin, éd. Centre Pompidou, 2000) . - Kamikaze
Pilote suicide japonais chargé de précipiter son avion bourré d’explosifs sur les navires américains, afin de sauver l’honneur de l’Empereur dans une guerre déjà perdue. Ces jeunes gens, candidats au hara-kiri version 1944, étaient plus ou moins volontaires, comme l’atteste la lettre pathétique de Ryoji Uebara lue sur des images d’archives transformées en brandons incandescents par la machine d’Hayao.
Générique
Composition et montage : Chris. Marker
Bande électro-acoustique : Michel Krasna (thème de Sans soleil, Modeste Moussorgski). Valse triste de Sibelius traitée par Isao Tomita
Chant : Arielle Dombasle
Mixages : Antoine Bonfanti, Paul Bertault
Images incorporées : Sana Na N’Hada (Carnaval de Bissau), Jean-Michel Humeau (Cérémonie des grades), Mario Marret, Eugenio Bentivoglio (Guérilla à Bissau), Danièle Tessier (Mort d’une girafe), Haroun Tazieff (Islande 1970)
Assistant à la réalisation : Pierre Camus
Les lettres de Sandor Krasna sont lues par Florence Delay
Durée : 1 h 40
Couleurs –
Autour du film
- Genre
Sans soleil ne correspond à aucun genre défini du cinéma, qu’il s’agisse de fiction ou de documentaire. Documentaire imaginaire ou fiction dont toutes les images sont documentaires ? il défie même la notion classique de film, puisqu’il ne comporte ni acteurs, ni action, ni intrigue, ni dialogues, même si s’y entremêlent nombre de personnages et de récits (voir infra la rubrique « personnages »). C’est un film-essai, incorporant images documentaires prises aux quatre coins du globe (Islande, Ile de France, Guinée-Bissau, Japon) et commentaire en forme de lettres de voyage fictives (d’un cameraman imaginaire, Sandor Krasna) mais devant beaucoup aux visions et voyages de Marker. Osera-t-on dire qu’avec sa façon de nous montrer et nous parler de notre époque au futur antérieur, c’est l’unique documentaire de science-fiction de l’histoire du cinéma ? - Guide de voyage
Voici l’introduction de Chris Marker au CD-Rom Immemory. Ce guide du voyage au pays de la mémoire (d’une vie et d’une époque, et au delà, mémoire imaginaire et même involontaire) expose le mobile de toute l’œuvre ciné-poétique de Marker. « Dans nos moments de rêverie mégalomaniaque, nous avons tendance à voir notre mémoire comme une espèce de livre d’Histoire : nous avons gagné et perdu des batailles, trouvé et perdu des empires. A tout le moins nous sommes les personnages d’un roman classique (« Quel roman que ma vie ! »). Une approche plus modeste et peut-être plus fructueuse serait de considérer les fragments d’une mémoire en termes de géographie. Dans toute vie nous trouverions des continents, des îles, des déserts, des marais, des territoires surpeuplés et des terrae incognitae. De cette mémoire nous pourrions dessiner la carte, extraire des images avec plus de facilité (et de vérité) que des contes et légendes. Que le sujet de cette mémoire se trouve être un photographe et un cinéaste ne veut pas dire que sa mémoire est en soi plus intéressante que celle du monsieur qui passe (et encore moins de la dame), mais simplement qu’il a laissé, lui, des traces sur lesquelles on peut travailler, et des contours pour dresser ses cartes. (…)
Mon hypothèse de travail était que toute mémoire un peu longue est plus structurée qu’il ne semble. Que des photos prises apparemment par hasard, des cartes postales choisies selon l’humeur du moment, à partir d’une certaine quantité commencent à dessiner un itinéraire, à cartographier le pays imaginaire qui s’étend au dedans de nous. en le parcourant systématiquement, j’étais sûr de découvrir que l’apparent désordre de mon imagerie cachait un plan, comme dans les histoires de pirates. »
Pistes de travail
Dix questions pour baliser le film
- Qui raconte ? Qui montre ?
- Que représente le petit film des trois enfants d’Islande sur la route ? Et pourquoi ?
- Qu’est-ce qu’un regard caméra ? Y en-a-t-il dans ce film ?
- Faites, comme vous y invite la dame de cour japonaise, « la liste des choses qui vous font battre le cœur ».
- Qu’est-ce que la Zone ?
- Connaissez vous le film Vertigo (Sueurs froides), dont on revisite les décors ?
- Qu’est-ce q’une image subliminale ? (exemples : le regard de la dame du marché de Praïa, chap 7 du DVD ; ou l’image cachée de Marker en train de filmer sur un des téléviseurs d’une rue de Tokyo, début du chap 9).
- Qu’est-ce que la bande son a de particulier ?
- Jeu de piste : repérez tout au long du film les images de chat, avatars de la chatte Tora disparue au début du film.
- D’ordinaire, l’histoire d’un film est linéaire (suivant un enchaînement de cause à effet du début à la fin) : situation, conflit, résolution (« happy end »). Quelle est à vos yeux la forme géométrique que dessine la construction de Sans soleil ?Fiche mise à jour le 15 septembre 2004
Fiche réalisée par François Niney
Expériences
Sans soleil cristallise toute l’œuvre de Marker : il en reprend les grands motifs (pointés dans « parcours biographique ») dans un savant montage musical en réseau et contrepoints. Au gré d’un voyage initiatique court-circuitant, à travers des rapprochements géographiques, les temps de la grammaire comme de l’histoire (temps présent des regards croisés, temps cyclique des saisons, temps récurrent des légendes, temps géologique, temps virtuel des images), le montage met en résonnance tout un jeu de découvertes et correspondances, souvenirs personnels et hauts lieux de l’histoire collective, offices intimes et rituels sociaux, petits bonheurs et grandes guerres ou révolutions, principe espérance et deuils, et à travers ce prisme nous raconte l’époque, celle de l’après-guerre (mais quelle guerre déjà ?). Sans soleil reprend le motif de la cohabitation/confrontation des civilisations, motif majeur dès le premier film avec Resnais (Les statues meurent aussi), qui déjà convoquait le témoignage des choses, des œuvres et des animaux autant que des visages.
De La jetée, Sans soleil reprend et prolonge l’idée de récit au futur antérieur et en spirale (la spirale du temps comme reprise), à la façon de l’admiré Vertigo de Hitchcock, cité dans les deux films + Immemory. Sans soleil développe aussi la construction en forme de carnet de voyages et histoires parallèles entrelacées et commentées à plusieurs voix, esquissée dans Si j’avais quatre dromadaires, Et Sans soleil se voit prolongé, repris à son tour dans le CD-Rom Immemory et le dernier long métrage de Chris, Level Five, qui en figurerait une version 2.1. remaniée à l’heure du Net, une synthèse improbable de Hiroshima mon amour et du nouvel art de la mémoire aléatoire porté à la puissance 5 par OWL, le réseau des réseaux (qui signifie « chouette » en anglais, animal symbole de la sagesse qui « ne prend son envol qu’au crépuscule ». Mais s’agit-il du crépuscule du soir ou de l’aube ?).
Outils
Bibliographie
Sans Soleil, François Niney, Document pédagogique édité par l’APCVL
Sans Soleil, François Niney Le petit cahier, co-éditions CNDP/Cahiers du cinéma, 2004
Le documentaire, Jean Breschand, Le petit cahier, co-éditions CNDP/Cahiers du cinéma, 2003
Revue Trafic n°6, (POL, Paris 1993), commentaire intégral du film
Chris Marker, par B.Pourvali, Editions Cahiers du cinéma, 2003
Cahier des Ailes du Désir n°11 - Sept figures de montage par Jacques Lubczanski Le prochain film au programme Sans Soleil, Chris Marker "Le temps qui va".
Cahier des Ailes du Désir n°12 - "Chris Marker : une mémoire en devenir" par Guy Gauthier, "Un absent très présent. Eloge de l'invisibilité" par Alain Moreau, "Sans soleil" par Guy Magen, "La place de l'écoute dans Sans Soleil" par Marie-Claude Bénard, "Entre l'écoute et le regard", par Jean-Albert Bron, "Sans soleil, un Japon crépusculaire" par Catherine.
Vidéographie
Immemory, CD-Rom de Chris Marker, (Editions du Centre Pompidou, Paris 1998)