Synopsis
Un été de basket dans la communauté noire de Brooklyn. Les Kennyâs Kings, l’équipe de Kenny, est la favorite, grâce à un joueur exceptionnel, Booger, fils adoptif de Kenny. Une université propose de l’accueillir. Kenny espère qu’ainsi, loin de Brooklyn, Booger échappera à son destin d’enfant du ghetto. Au bout d’un an sans histoires, il revient passer l’été à Brooklyn, mais se fait arrêter pour vol à main armée. Rel’ché, il retrouve ses protecteurs qui espèrent, sans trop d’espoir, le voir retourner dans son collège d’Arizona.
Générique
Titre original : Soul in the Hole
Réalisation Danielle Gardner
Musique Bill Coleman, George Sulmers
Images Paul Gibson
Son Steve Robinson
Montage Melissa Neidech
Interprétation
Ed » Booger » Smith, Kenny et Ronnet Jones, l’équipe des Kenny’s Kings, The Loyal Basketball Fans of Brooklyn.
Production Lillibet Foster pour Asphalt Film
Distribution Cinéma Public Films
Film 35 mm, couleur
Durée 93 minutes
Sortie à Paris 24 juin 1998
Autour du film
On retrouve dans Soul in the Hole le meilleur du documentaire américain, territoire étroit et précaire, qui a dû se construire entre les habitudes induites par la fiction hollywoodienne, et le flux quotidien d’images déversées par les reportages de la télévision.
Du modèle fictionnel, il a retenu le sens du récit : début prometteur, articulation des séquences, suspens maintenu, personnage principal continuateur d’une lignée de héros : le champion entraîné par son destin. Le déroulement de l’action (les tournois de basket), qui maintient l’attention, ne masque pas, profilée subtilement à l’arrière-plan, la trajectoire d’un adolescent à l’avenir prometteur, mais que l’environnement social entraîne vers la chute contraste, malgré un environnement familial favorable.
De la télévision, il a conservé les performances de la prise de vues, le professionnalisme qui permet de s’introduire au cœur des actions en cours, qualités qui sont d’ordinaire compromises par la précipitation, le manque de rigueur, et, le plus souvent, par les idées toutes faites qui orientent les choix. Les qualités propres de la réalisatrice, son implication, son obstination à ne pas s’en tenir aux observations superficielles, sa sympathie pour les personnages, sa connaissance préalable du terrain, permettent de ne pas sacrifier au spectaculaire des films de fiction, souvent entretenu par des procédés stéréotypés, ni au sensationnel des reportages télévisés. Soul in the Hole tient ce pari d’être à la fois fidèle à une réalité faite de nuances et de contrastes, et de maintenir l’intérêt par une narration construite selon les règles de l’art.
(…) Première grosse qualité du film, son immersion documentaire : Gardner a passé des mois entiers dans l’environnement des Kenny’s Kings, d’où la sensation brute de décoffrage de son filmage. On ressent quasi physiquement l’affrontement des matchs, les efforts des corps, l’euphorie ou la colère des supporters, pendant que grillent les hamburgers et pulsent les ghettos-blasters. Dimension physique décuplée quand les équipes et leurs fans épousent les mêmes lignes de fracture que des quartiers ou des gangs rivaux.
Autre force du film, la qualité du spectacle sportif qu’il propose. Certains gestes sont dignes du basket pro et le jeune Bogger a vraiment l’étoffe d’un futur membre de la NBA. Quant à la cinéaste, elle a su tendre en fil rouge un vrai suspense sportif (qui va gagner le match du jour ? les Kenny’s Kings vont-ils aller jusqu’en finale ? etc.). Si ce n’était que cela, Soul in the hole serait déjà un bon petit documentaire sur le sport de base. Mais en Amérique, le basket charrie derrière lui toute une batterie de casseroles sociales, politiques et idéologiques. Plutôt que de nous asséner tout un discours pédago-surplombant façon Envoyé spécial, Gardner a l’intelligence de laisser les images parler d’elles-mêmes et de faire fictionner son docu, notamment à travers la relation du manager de l’équipe et son joueur vedette.
Serge Kaganski, Les Inrockuptibles, 24 juin 1998.
Pistes de travail
1- Le basket de rue, phénomène sociologique des ghettos noirs américains.
2- La NBA (National Basketball Association), son système de recrutement, l’engouement du public pour ce sport, les universités spécialisées dans la formation des champions (comme l’Arizona Western College de Yuma).
3- Brooklyn, une ville noire aux Etats-Unis. Le Bedford-Stuyvesant (ou Bed-Stuy, cadre du film) et le quartier riche des hauteurs de la ville, Brooklyn Heights.
4- Les techniques de tournage documentaire : caméra 16 mm synchrone, caméra vidéo, caméra DV
5- Fiction et documentaire : comparez le film de Spike Lee, Do the Right Thing (Fiction, 1988) et Soul in the Hole (Documentaire, 1998), qui se situent dans le même quartier de Brooklyn.
6- Itinéraires de champions dans le cinéma américain : l’exemple des boxeurs. Champion (Mark Robson, 1949) ; The Harder They Fall (id, 1956) ; The Set-Up (Robert Wise, 1949) ; Muhammad Ali the Greatest (William Klein, doc, 1974) ; When We Were Kings (Gast-Hackford, doc, 1997).
Mise à jour : 16-06-04
Expériences
Dans ce film, Brooklyn est un monde, et même LE monde, le quartier du Bed-Stuy n’étant que l’un des continents émergés, que Booger, star du basket (et du film) n’a jamais quitté. Cet enfermement dans le ghetto résulte, non d’un interdit à en franchir les limites, mais d’habitudes d’ordre culturel. Soul in the Hole donne une image saisissante de ce repli identitaire. On n’y voit que des Noirs. Pas un seul » WASP » dans cette population homogène où l’on s’insulte copieusement en se traitant de… » Nègres « . La musique western qui accompagne les images conventionnelles de l’Ouest, baignées de lumière vive, accompagne le transfert culturel, après le rap, indicatif de la communauté noire. Ce microcosme à l’écart de l’Amérique fonctionne comme une Amérique miniature, celle des films, des faits-divers et des représentations dominantes. Violence, drogue, armes à feu, pour le côté négatif ; héros qui émerge de la foule pour le côté conquérant : ce documentaire, fidèle à la réalité, est ainsi habilement assisté par l’imagerie hollywoodienne, une autre manière de pénétrer l’imaginaire américain.