Treeless Mountain

Corée du sud, États-Unis (2008)

Genre : Comédie dramatique

Écriture cinématographique : Fiction

Archives EEC, École et cinéma 2012-2013

Synopsis

Jin, 6 ans et Bin 4 ans vivent seules avec leur mère, depuis que leur père est parti sans laisser d’adresse. Un jour, leur mère décide de partir à la recherche de ce père et les confie à leur tante. Elle leur donne une tirelire, accompagnée d’une mission: « Chaque fois que vous obéirez à votre tante, elle vous donnera une pièce. Quand la tirelire sera pleine, je reviendrai ». Pleines d’espoir, Jin et Bin vont rivaliser d’astuces pour remplir la tirelire au plus vite. Munies de ce cochon en plastique rose enfin plein, elles attendent tous les soirs le bus qui leur ramènera leur maman, au sommet de la triste petite colline sans arbre.

Générique

Titre original : aka Namu Eopneun San
Réalisation : So Yong Kim
Scénario : So Yong Kim
Image : Anne Misawa
Son : Eric Offin
Montage : So Yong Kim
Musique : Asobi Seksu
Décors : See Hee Kim
Production : Parts and Labor, Soandbrad, Strange Loop Entertainment
Distribution : ASC distribution
Couleurs
Durée : 1h29
Sortie en France : 30 décembre 2009
Interprétation
Hee Yeon Kim / Yin
Song Hee Kim / Bin
Soo Ah Lee / la mère
Mi Hy Ang Kim / la tante
Boon Tak Park / la grand-mère

Autour du film

Treeless mountain s’ouvre comme un lointain écho au Ponette de Jacques Doillon. Deux fillettes coréennes de 6 et 3 ans, délaissées par une mère obnubilée par la recherche de son ancien mari, se voient contraintes de vivre chez leurs grands-parents à la campagne. Livrées à elles-mêmes, les deux gamines tentent de s’adapter à ce nouveau quotidien rural, dans l’attente d’un retour éventuel des parents en cavale. En parallèle de Yuki et Nina de Nobuhiro Suwa et Hippojyte Girardot, sorti il y peu, Treeless mountain s’attache à un couple d’actrices en bas-âge, optant pour un canevas scénaristique et un tournage élémentaires et misant tout sur une confiance absolue dans le volontarisme de ses interprètes. Le film de Suwa et Girardot péchait par sa tentation psychologisante à souligner l’hermétisme qui peut séparer la sphère adulte de celle de l’enfance. So Yong Kim semble au contraire se conforter dans une certaine absence de recul. L’accession au devenir adulte, qui structure la plupart des chroniques enfantines, ne se pose pas ici uniquement en constat de l’éclatement familial et de ses dommages collatéraux. La fable ne manque certes pas de cruauté à tenir en éveil l’espoir constant des jeunes filles de retrouver leur foyer. Le caractère illusoire de leur croyance, matérialisé par plusieurs séquences où les deux fomentent nombre de plans ingénus pour faire revenir leur mère, ne s’alourdit d’aucune concession utopique. Mais cette fatalité douce-amère s’accompagne d’un refus de la dissertation. Treeless mountain s’épanouit dans cette capacité à savoir concéder à ses créatures le droit d’une conscience réduite au monde, une permission à ne pas tout saisir du réel, voire à se laisser balloter par celui-ci.

L’objectif de So Yong Kim enserre les deux enfants et joue les cocons maternels de substitution. Constamment filmées en caméra-épaule et très gros plan, les gamines règnent sur un espace filmique miniature et ne laissent pénétrer que de brèves incursions du monde dans leur intimité. Il faut peu de temps pour acclimater l’attention à cet autisme visuel. Car l’essentiel  demeure à chaque plan : la préservation d’une innocence dont le cadre protecteur du film demeure un rempart inamovible. Aussi bruts que concis, le dépouillement des mises en situation et le refus de toute performance sauvent Treeless mountain des habituels passages obligés du genre. Les enfants ne semblent pas invités à jouer les attractions d’un sempiternel freak show pour jeunes prodiges de salon. Bien qu’impressionnant, le naturel des jeunes actrices ne schématise heureusement pas la démarche. Le style lorgne vers le documentaire pour mieux aboutir à une dilatation imaginaire de la durée, à force de contemplation d’un monde clos. Au final, le temps présent semble la seule échappatoire que peut offrir la réalisatrice à ses deux héroïnes Et si le monde de Treeless mountain s’arroge le droit à la puérilité comme seule enclave, ce n’est que pour mieux filtrer les nuisances d’une sagesse trop assurée.

Yann François / Chronicart 30 décembre 2009

Chronique pour partie autobiographique, Treeless Mountain évoque souvent Nobody knows, de Hirozaku Kore-Eda, sur l’enfance abandonnée, en plus calme et moins tragique, moins impressionnant aussi. Kim So-yong réussit toutefois son pari: rester au plus près des visages expressifs de ses petites interprètes. Et quand les répétitions du récit pourraient lasser, elle lui donne un second souffle en déplaçant l’action à la campagne. Dans la lumière de l’hiver, la cinéaste filme la naissance d’une complicité entre la vieille femme et ses petites-filles, et sa délicatesse émeut.

Samuel Douhaire / Télérama 30/12/2009

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