Un animal, des animaux

France (1994)

Genre : Autre

Écriture cinématographique : Documentaire

École et cinéma 2010-2011

Synopsis

Un animal, des animaux, comme la plupart des films de Nicolas Philibert, n’obéit pas à la règle stricte du documentaire telle que le reportage télévisuel l’édicte aujourd’hui. D’abord parce que le cinéaste s’est toujours défendu de faire des films pédagogiques où le commentaire en voix off viendrait expliciter le sujet et les images l’illustrer. Philibert, au contraire, aime à se faire discret pour laisser ses images parler d’elles-mêmes. Ensuite parce que le sujet de ses films comporte en lui-même un caractère spectaculaire et une dramaturgie propre, celle du travail, qui confère à chacun des personnages davantage un statut d’acteur que de personne. Il revient enfin à Philibert, par des moyens que l’on a coutume d’attribuer à la fiction (cadrage, montage, musique) de donner à ce travail un éclairage particulier. Son art n’est pas pour autant celui d’un démiurge, mais simplement celui de la fiction exercé collectivement.

Générique

Réalisation : Nicolas Philibert
Assistant à la réalisation : Valéry Gaillard
Image : Frédéric Labourasse, Nicolas Philibert
Son : Henri Maïkoff, Julien Cloquet
Montage : Guy Lecorne
Mixage : Julien Cloquet
Musique : Philippe Hersant
Production : Serge Lalou pour Les Films d’Ici
Durée : 59 minutes
Sortie à Paris : 5 juin 1996

Autour du film

En 1991, la Galerie de Zoologie du Muséum d’Histoire Naturelle renaît de ses cendres. Grâce aux travaux de rénovation, les lieux et leurs étranges occupants (dinosaures, baleines, papillons, singes, etc.) recouvrent la vie, après un sommeil de plusieurs décennies. Nicolas Philibert, présent sur le chantier dès le début, suit les opérations jusqu’à leur terme. Tel un visiteur privilégié partageant l’intimité du musée, il accompagne du regard la gestation de la galerie, et témoigne à sa manière d’un petit théâtre où se côtoient différentes espèces. En effet, le cinéaste regarde les hommes et les machines chargés de la restauration comme autant de variétés différentes d’animaux travailleurs. A chacun sa fonction : taxidermiste, architecte, éclairagiste, scénographe… De l’autre côté, du haut d’une vie figée dans l’éternité, les animaux empaillés contemplent le mouvement incessant de leurs baby-sitters humains. Isolés dans de superbes gros plans dignes de ceux jadis réservés aux stars hollywoodiennes, ils interrogent d’un regard-caméra la futilité de l’activité humaine avec une sorte de condescendance souveraine. Nicolas Philibert a en fait réalisé un rêve d’enfant : sauver l’être par l’apparence, transformer cet immense cimetière en un féerique studio de cinéma où l’illusion est conforme à ce que souhaitait le critique et théoricien André Bazin :  » croire à la réalité des événements tout en les sachant truqués. « 

On sent passer dans le film, comme en filigrane, un mélange d’ironie et de jubilation, un peu de cette fantaisie qui fait les grands films de Chabrol. L’étrangeté vient de l’absence de tout commentaire – c’était déjà le cas dans La Ville Louvre, film auquel Un animal, des animaux, ne manque pas de faire penser. Et justement, comment taire, sans rien cacher ? En pariant sur la curiosité du spectateur. Elle naît aussi de la diversité même des métiers rencontrés, qui travaillent  » en parallèle  » – c’est donc aussi une affaire de montage – et que Philibert filme d’un œil malicieux, prosaïque, débarrassé de toute odeur de mort : la gueule d’une pelleteuse fait penser à celle d’un crocodile, une autruche se déplace sur un chariot grinçant et semble cuiner d’elle-même, etc. Un animal, des animaux, nous fait découvrir la manière dont toutes les collections du muséum sont conservées, répertoriées, tout un système de rayonnages, d’étagères et de vitrines. Voilà qui en rappelle d’autres : cette zoothèque est-elle si différente d’une cinémathèque ? Leur mission est identique : il s’agit d’archiver, de restaurer et de montrer. Ici ce sont des animaux, là ce sont des films. Et au milieu de tout cela, il y a ce drôle d’animal qui fait des films : l’homme. Et de son destin muséographique, Philibert est le premier à s’amuser.
Vincent Vatrican, Cahiers du cinéma n°488, février 1995.

Vidéos

Dernière séquence [53’16 > 22’23]

Catégorie :

Cette séquence est analysée dans le cahier de note du film éditée par les Enfants de cinéma.

Pistes de travail

La réussite d’Un animal, des animaux tient en grande partie au jeu extrêmement subtil sur les proportions et sur les identités. Nicolas Philibert ne cesse de faire varier tous les paramètres dont il dispose. Les données spatiales et dynamiques sont perpétuellement alternées et mises en contraste. Le macroscopique (l’énormité du chantier, des machines et de certains animaux, tel l’éléphant) et le microscopique (les maquettes, les insectes) se côtoient, et l’immobilité succède aux mouvements ou aux faux mouvements. Ce travail, qui est surtout l’œuvre du montage, a pour conséquence de créer toute une série de rapprochements et d’échanges à l’intérieur desquels un bulldozer peut devenir la moderne réincarnation d’un dinosaure, un aspirateur le cousin provisoire d’une trompe ou d’un museau, l’homme ou la machine ressembler à un animal, et les animaux eux-mêmes, quoique morts, ressusciter, paraître plus vivants et dangereux que ceux qui s’occupent d’eux.

Mise à jour : 16-06-04

Expériences

Le tournage d’Un animal des animaux s’est étalé sur quatre années, les quatre années nécessaires à la restauration de la Galerie de Zoologie du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, par la suite rebaptisée Grande Galerie de l’Evolution. Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’édifice était allé se dégradant, et la Galerie avait du être fermée en 1965 pour des raisons de sécurité. Dans le milieu des années 80, un projet de rénovation voit le jour. On fait appel au cinéaste René Allio pour prendre en charge la scénographie du lieu. A l’ouverture des travaux, en 1991, René Allio invite Nicolas Philibert, alors en plein tournage du Pays des sourds, à assister au lancement de la restauration. Ce dernier, dès cette première visite, imagine un film qui montrerait les différents stades et niveaux de travail de l’équipe. Le projet est accueilli avec enthousiasme, et une fois le financement trouvé, le tournage peut débuter. Nicolas Philibert vient alors régulièrement sur les lieux pour suivre et filmer l’évolution du chantier. En 1994, Un animal, des animaux est achevé.

Outils

Bibliographie

Qu'est-ce que le cinéma?, André Bazin, coll. "Septième art", Ed. du Cerf, 1985.
André Bazin, Dudeley Andrew, Ed. Cahiers du cinéma, 1983.
Darwin et le darwinisme, Patrick Tort, Ed. PUF, 1997.
Le hasard et la nécessité, Jacques Monod, Ed. du Seuil, 1973.
Le documentaire, un autre cinéma, Guy Gauthier, Ed. Nathan, 1995.
Ces patrons éclairés qui craignent la lumière, Nicolas Philibert et Gérard Mordillat, Ed. Albatros, 1979.

Vidéographie

Un animal, des animaux. Distribution ADAV n° 10 513
Le réveil de la Nef, la rénovation du Muséum national d'Histoire naturelle. Ed. Montparnasse (droits réservés au cadre familial)