Yuli

Espagne (2018)

Genre : Drame

Écriture cinématographique : Biopic

Collège au cinéma 2024-2025

Synopsis

Le destin de Carlos Acosta, une légende dans le monde de la danse et le premier danseur noir à avoir interprété certains des rôles les plus célèbres du ballet. L’histoire du danseur qui ne voulait pas danser.

Distribution

Carlos Acosta : lui-même, adulte
Santiago Alfonso : Pedro Acosta
Keyvin Martínez : Carlos Acosta (jeune)
Edlison Manuel Olbera Núñez : Carlos Acosta (enfant)
Laura De la Uz : Maestra Chery
Yerlín Pérez : María

Générique

Réalisation : Icíar Bollaín
Scénario : Paul Laverty
Direction artistique : Maykel Martínez
Décors : Taimi Ocampo
Costumes : Jessica Braun et Celia Ledon
Photographie : Alex Catalán
Montage : Nacho Ruiz Capillas
Musique : Alberto Iglesias

Autour du film

Du courage, de la discipline, du talent et une immense solitude… il y a tout cela dans la vie de Carlos Acosta, grand danseur cubain, lancé par le Prix de Lausanne où il reçut la Médaille d’or en 1990.

Il y a beaucoup de révolte, et de frustration aussi, chez le petit Carlos, car il ne se rêvait pas en danseur mais en footballeur. Cadet d’une famille nombreuse et pauvre, fils dissipé d’un père noir et d’une mère espagnole, son avenir ressemblait à celui de ses ancêtres, des esclaves. La chance de sa vie, son talent de danseur, c’est son père qui l’a pressentie et voulue. Et c’est son père (Santiago Alfonso) qui l’y poussera jusqu’à la tyrannie, lui donnant le surnom de Yuli, du nom d’un dieu africain de la guerre. Ainsi la célébrité internationale d’Acosta s’est-elle forgée de crise en crise, entre soumission et rejet.

Icíar Bollaín le raconte en s’inspirant de l’autobiographie écrite par le danseur, No Way Home publiée en 2007. En guise de fil conducteur, elle choisit un ballet que Carlos Acosta est en train de régler et dans lequel il chorégraphie sa propre existence. La cinéaste renonce à la linéarité du récit au prix d’un beau travail de montage. Elle construit l’ascension vers la gloire de son personnage en mêlant l’enfance (Edilson Manuel Olvera), et la jeunesse (Kevyin Martinez), sous l’œil du vrai danseur répétant son ballet.

En filigrane apparaissent La Havane et les conditions délicates dans lesquelles évolue Cuba sous l’influence communiste. La beauté et la misère s’y côtoient, de plus en plus de misère, avec l’émigration pour seul espoir. Rentré d’un long séjour sur les scènes européennes, Carlos Acosta dira «je suis le seul Cubain qui ne veut pas émigrer!»

Mais l’axe le plus fort du film est la rudesse de l’éducation que Pedro fait subir à son fils. L’amour paternel prend ici la forme d’une autorité absolue. L’enfant n’y trouve aucun espace où faire part de ses désirs profonds et, si bourré de talent soit-il, il devient danseur étoile par la seule force de son travail et de ses renoncements.

La réalisatrice espagnole se fait discrète sur les drames qui ponctuent la vie de Carlos, le pathos n’est pas son propos. L’excellence de sa direction d’acteur suffit à faire comprendre ce qui se joue dans le cœur de l’enfant, son abnégation interrompue par ses révoltes, son besoin de vivre comme un être «normal», son envie de grandir dans sa famille, sa force de caractère aussi. Et la question se pose immanquablement: un enfant doué doit-il être poussé malgré lui à développer ses dons? Les parents peuvent-ils lui imposer leurs vues sous prétexte qu’il aura une vie meilleure que la leur? Dans le ballet qu’il répète, Carlos Acosta met toute la complexité de ses sentiments. Rien n’est simple dans la vie, surtout pas la sienne. — Geneviève Praplan