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Une levée de rideau
La petite scène d’introduction au film, présente d’emblée la situation au spectateur. Cette séquence insiste déjà sur le dévouement de la mère poule à ses tâches ménagères. La mère poule fait son entrée par la gauche du cadre. Elle passe la serpillière. Un petit poulet la suit. Elle semble mettre toute son énergie dans ce qu’elle fait. Elle disparaît alors sur la droite du cadre. Elle ne fait que passer, toujours en mouvement. Le poulet, lui, reste quelques secondes à regarder dans la direction de la caméra. La mère ressurgit de la droite du cadre avec un énorme panier de linge au-dessus de la tête. Elle effectue le trajet inverse. Elle va vers la gauche. Le poulet la suit à nouveau.
Cette courte scène a une dimension théâtrale. Le cadre se sépare horizontalement en deux zones distinctes : le parquet marron/clair et le mur blanc. Les planches du parquet peuvent nous rappeler une scène de théâtre. Le décor minimaliste nous permet de nous focaliser uniquement sur les personnages et leurs actions. La séquence commence par un plan fixe sur la « scène ». Les personnages font leur entrée sur la gauche du cadre après quelques secondes. La mère apparaît et disparaît comme dans un vaudeville. Le petit poulet qui la suit nous prend à témoin en nous regardant. D’emblée le spectateur se fait une idée précise de la vie de Madame Poule. Elle enchaîne les taches ménagères et subit le harcèlement de ses enfants. En l’occurrence dans cette scène, nous n’en voyons qu’un. Après la vision du court-métrage dans son intégralité, nous pouvons déduire que l’ouverture annonce déjà la présence excessive du petit poulet et l’absence de l’ainé qui ignore sa mère. Le petit la suit sans véritable raison. Il est dans ses pattes et ne fait rien pour l’aider.
Nous sommes d’emblée dans le comique de répétition propre au théâtre ou au cinéma burlesques. Un style qui joue beaucoup sur les ruptures de rythme. Une action des personnages donne lieu à un moment d’attente d’une réaction. Une réaction qui entraîne à nouveau une action. C’est comme une boucle qui se répète. C’est grâce au moment durant lequel il ne se passe rien (en l’occurrence le moment où le poulet reste fixe à regarder le spectateur), que se créé une attente qui va permettre à l’action suivante d’être comique. En effet, nous nous demandons ce qu’attend le poulet. Il attend juste que sa mère repasse par là. Il sait qu’elle va revenir. Ce moment de « vide » dans l’action accentue l’aspect répétitif des choses. Nous retrouverons ces moments d’attente, comme en suspend, chaque fois que la mère poule guettera la réaction de l’aîné face au repas qu’elle lui a préparé. La musique marque aussi l’aspect cyclique de la narration.
Les regards en direction du spectateur se répèteront aussi. Ils permettent d’inclure le spectateur dans l’action. Celui-ci a un rôle. Il est le témoin attitré des tensions qui animent l’univers de Madame Poule.