Catégorie : Extraits
- Analyse de séquence : l’enlèvement de Sarah
Par sa mise en scène, Polanski fait vivre au spectateur une rencontre et un enlèvement voluptueux. Chap 7 (de 00’22’00 à 00’24’40)
Au début de la séquence, les ronflements réguliers du Professeurs Abronisius sont interrompus par le bruit de quelqu’un frappant à la porte. A peine Alfred ouvre t il la porte que nous reconnaissons cette personne avant même de l’avoir vue. En effet, le thème musical qui accompagne Sarah à chacune de ses apparitions se fait à nouveau entendre. Cette musique, candide et voluptueuse, participe pleinement à construction du personnage.
Polanski choisit de filmer l’échange entre les personnages en gros plans|73. Le visage de poupée de Sharon Tate resplendi tandis que le montage des plans serrés érotise un dialogue lourd de sous-entendus. Le spectateur (la caméra) se retrouve alors serré entre les deux jeunes gens et peut donc éprouver tout le trouble d’Alfred face à cette jeune fille en fleur (et en chemise de nuit légère et décolletée).
L’intrusion d’un plan de Dracula arrivant à tout allure (le panoramique débute comme une claque) sur son traîneau produit une rupture franche qui tranche avec la douceur de la scène précédente. En effet, les nuances orangées de l’éclairage à la bougie sont balayées par le bleu glacial de la nuit et par le thème musical fantomatique et menaçant qui va désormais occuper la bande son de l’auberge jusqu’à la fin de la séquence. Par ailleurs, le montage alterné qui mêle les plans de l’intérieur et de l’extérieur rend désormais le drame inévitable. Le point de vue du spectateur, qui surplombe alors la scène, l’implique intensément : nous savons ce qui se trame et assistons, impuissants, à l’enlèvement de Sarah. L’intensité musicale est à son plus haut niveau, le rythme des plans s’accélère : le vampire passe à l’acte. L’inévitable métaphore sexuelle associée à la morsure vampirique est conservée par Polanski. Il insère plusieurs plans suggestifs dans la séquence : gros plan de l’eau giclant sur la porte, gros plan sur le visage extasié de la jeune femme et, enfin plan moyen au centre duquel éclate une tâche de sang maculant la mousse vierge du bain.
– La mystérieuse voix off
A l’ouverture du film, une voix off nous présente les personnages progressant à l’image sur un traîneau. Cette voix ne réapparaîtra qu’à la fin du film : « Grâce à lui, ce fléau allait enfin pouvoir envahir tout l’univers ». Les personnages principaux sont alors à nouveau sur un traîneau mais sur la route du retour cette fois-ci. Qui parle ? Le ton, le timbre (la couleur) de la voix sont des indices importants. Etre attentif au vocabulaire employé et au choix des mots (« grâce à » et non « à cause de »). Qu’implique cette instance narrative ?
– Analyse comparative
Le bal des vampires de Roman Polanski et Le cauchemar de Dracula, 1957 un film de Terence Fisher produit par la Hammer offrent tous deux une séquence identique en terme de contenu. Arrivé à l’auberge, le personnage principal se heurte au mutisme de ces tenanciers alors qu’il tente de comprendre naïvement la présence massive de tresses d’ail dans les lieux. La mise en regard de ces deux séquences permet de mettre en évidence la notion de ton et de mise en scène : grave chez Fisher, truculente et riante chez Polanski. En voici les repères : Le bal des vampires de 06 minutes 53 à 07 minutes 54. Le cauchemar de Dracula, de 24 minutes à 25 minutes 15.
– Désacralisation du film de vampires
Quels éléments participent à la désacralisation du film de vampire ? Etudier les personnages (apparence et comportement : sont ils des héros ?), les répliques, les situations.
– Le conte
Certains plans sont composés et organisés exactement comme des illustrations de contes pour enfant. A partir de la vidéo, isoler les photogrammes (images fixes) dont la ressemblance est la plus frappante (ex. 19 minutes 48 : le professeur ronfle sur son bureau, à 13 minutes : le réveil, à 10 minutes : les ventouses, etc…)
Cécile Paturel, le 25 août 2008