Jeanne et le garçon formidable

France (1998)

Genre : Comédie musicale

Écriture cinématographique : Fiction

Lycéens et apprentis au cinéma 2025-2026

Synopsis

Jeanne, réceptionniste dans une agence de voyage, est une belle jeune femme toujours pressée qui a beaucoup d’amants. Un jour par hasard, elle tombe sur Olivier dans le métro et c’est le coup de foudre… Leur relation devient de plus en plus intense, ils sont amoureux. Mais leur amour se retrouve assombri par le grand mal de la décennie : le sida.

Distribution

Virginie Ledoyen : Jeanne
Mathieu Demy : Olivier
Jacques Bonnaffé : François
Valérie Bonneton : Sophie
Frédéric Gorny : Jean-Baptiste
Laurent Arcaro : le coursier
Michel Raskine : le plombier
Damien Dodane : Jacques
Denis Podalydès : Julien
David Saracino : Rémi
Nelly Borgeaud : la mère de Jeanne
René Morard : le père de Jeanne
Jean-Marc Roulot : l’ami d’Olivier
Emmanuelle Goizé : la libraire
Élise Caron : doublage chant de Jeanne

Générique

Réalisation : Olivier Ducastel
Scénario, dialogues, chansons : Jacques Martineau
Musique : Philippe Miller
Chorégraphie : Sylvie Giron
Photographie : Matthieu Poirot-Delpech
Son : Jean-Jacques Ferran, Waldir Xavier, Jean-Pierre Laforce
Montage : Sabine Mamou

Autour du film

La première caractéristique du film est d’être une comédie musicale, à une époque où le genre a disparu depuis longtemps dans le cinéma français. Tournant le dos aux conventions, le film décline ses morceaux sur autant de rythmes et de tempos différents : world, musette, a cappella, tango, romance, aria, biguine, etc. sans aucun lien thématique, mais en composant une mosaïque variée.

Cette diversité fait écho à la construction du film qui intègre une bluette pleine de légèreté dans une réalité sociale précise et douloureuse. Ce choc des genres renvoie directement à l’univers de Jacques Demy, mort du sida, auquel un hommage est rendu sous la forme de couples effectuant en arrière-plan des pas de deux dans le style des Demoiselles de Rochefort, de la première chanson de Jeanne qui dit n’avoir jamais rêvé de l’homme de sa vie, contrairement à Delphine des Demoiselles, ou encore de la présence de son fils, Mathieu Demy dans le rôle du garçon formidable.

Pistes de travail

« J’ai rencontré un garçon formidable. Quand je l’ai vu, juste à côté de moi, j’ai ressenti ce frisson agréable qui te dit que l’amour te tend les bras. » Ces vers chantés (et dansés) par deux sœurs, un plateau entre les mains, dans un snack chinois, forment l’un des hymnes les plus radieux de cette comédie musicale épatante. Signée Olivier Ducastel et Jacques Martineau et sortie en 1998, elle est dans le droit chemin des Demoiselles de Rochefort ou des Parapluies de Cherbourg, ces films « en-chantés » de Jacques Demy. D’ailleurs, le fils de celui-ci, Mathieu, figure tutélaire au charme naturel, incarne le « garçon formidable ». Ça parle d’amour mais aussi de sida, puisqu’Olivier est séropositif, de combat avec Act Up et de bien d’autres réalités de l’époque. Ainsi, après le générique, la chanson des hommes de ménages, invisibles fantômes qui nettoient les bureaux dès le départ des employés.

Trivial et romantique

Très vite l’héroïne insouciante croise un ami, homosexuel, qui lui chante sa tragique histoire de « veuve de cent ans ». Cette sublime complainte, « La vie réserve ses surprises » démarrée a capella puis accompagnée d’un accordéon déchirant est interprétée par l’acteur Jacques Bonnaffé. Trivial et romantique, ce film poétique assume sa part de réalisme en faisant danser et chanter des acteurs dont la légère maladresse devient grâce absolue. Seule Virginie Ledoyen, radieuse en jeune femme libre de ses désirs, est doublée par la voix merveilleuse et changeante d’Élise Caron. Sa sœur est interprétée par Valérie Bonneton, aussi à l’aise ici que chez Danny Boon (La Ch’tite famille) ou dans la série Fais pas ci, fais pas ça. Le film a traversé les âges et semble même avoir bonifié. Le revoir est un plaisir. Grâce aux trithérapies, on ne meurt plus forcément du sida et c’est tant mieux, mais Jeanne et le garçon formidable vibre d’une éternelle gravité joyeuse.

On connaît la chanson

La France n’est pas championne du monde en comédie musicale, tradition 100% américaine depuis les débuts du parlant jusque dans les années 1950-60. Busby Berkeley, Victor Flemming, Mark Sandrich ou Vincente Minnelli derrière la caméra ; Judy Garland, Fred Astaire, Ginger Rogers, Cyd Charisse, Gene Kelly devant… Lorsque Ducastel et Martineau s’attellent à Jeanne, elle est même tombée en désuétude dans l’hexagone. Son seul chantre, Jacques Demy, est mort en 1990 et son dernier film, Trois Places pour le 26 avec Yves Montand date de 1988, soit dix ans auparavant. Olivier Ducastel a été assistant réalisateur sur ce film, mais son goût pour la comédie musicale s’était déjà exprimé dans son court métrage de fins d’études à l’IDHEC : Le Goût de plaire. Alain Resnais, cet infatigable chercheur de formes, a signé en 1997 le fabuleux On connaît la chanson, où les comédiens ne dansaient guère et entonnaient en play-back des célèbres chansons de Souchon, Bashung, Sheila ou Sylvie Vartan. Et il faut attendre 8 Femmes de François Ozon (chansons en playback, mais in extenso cette fois, entonnées par les actrices, dont Virginie Ledoyen) suivi en 2007 du Bal des actrices de Maïwenn pour retrouver cette fantaisie. La même année, Les Chansons d’amour de Christophe Honoré retrouve la magie d’une histoire sombre « en-chantée ».

L’amour n’est pas un remède

Quant au sida, si quelques films français mettent en scène des personnages séropositifs, dont l’emblématique Les Nuits fauves de Cyril Collard en 1992, on les compte sur les doigts d’une main. En 2000, Ducastel et Martineau signent leur deuxième film, Drôle de Félix, avec Sami Bouajila. Ou la ballade lumineuse à travers la France d’un jeune homme séropositif recherchant son père. Les années militantes d’Act Up sont retracées en 2017 par Robin Campillo dans 120 Battements par minute, grand prix du Festival de Cannes. L’Année suivante, Christophe Honoré reçoit le Prix Louis Delluc pour Plaire, aimer et courir vite joyeux et bouleversant portrait d’un homme séropositif qui se sait condamné et embrasse la vie comme un fou. « L’amour n’est pas un remède », comme on l’entend dans Jeanne et le garçon formidable. Mais il contribue grandement à enluminer ces fictions racontant le virus du VIH, dans nos vies depuis le début des années 1980.