Biographie
C’est par hasard que Jean-François Laguionie est venu au cinéma d’animation. Fils unique d’un couple de représentants, il naît à Besançon en 1939 et passe son enfance dans la banlieue de Paris. Durant toutes ses vacances en Normandie, il lit énormément, surtout des histoires de marine : « Comme mon père, j’étais un ’91marin de l’imaginaire’. J’avais cinq ans à la Libération et la grisaille de l’après-guerre avait donné à tout le monde l’envie de voyager. Le voyage, pour mon père, a consisté à construire dans le jardin un bateau qu’il n’a jamais fini. Peut-être qu’avec mes films, j’ai eu envie de le terminer’85« .
Une rencontre décisive
Passionné de dessin, Laguionie quitte le lycée pour l’école des Arts appliqués. Puis il fait du mime avec le comédien Jean-Pierre Sentier, s’orientant vers la mise en scène ou le décor de théâtre. Un jour, un de ses amis, qui travaille chez Paul Grimault, l’emmène dans l’atelier du cinéaste. Celui-ci se prépare à retravailler La Bergère et le ramoneur (qui deviendra plus tard Le Roi et l’Oiseau). Il propose à Laguionie d’essayer l’animation. Cette rencontre avec le « père spirituel » de toute une génération est décisive. « Il m’a prêté un coin de son studio, et j’ai pu réaliser mes courts métrages en toute liberté. Nous avons partagé près de dix ans de ’91compagnonnage’. Mais nous n’avons jamais travaillé sur un film ensemble. » Coup d’essai, coup de ma’eetre : le premier « cour » de Laguionie (La Demoiselle et le violoncelliste) reçoit le Grand prix du festival d’Annecy 1965.
Des fables douces-amères
Comme technique, il a choisi le papier découpé. Les personnages sont des pantins de papier articulés qu’on anime directement sous la caméra. « On n’a aucun contrôle, comme dans le dessin animé traditionnel, où tout est animé à l’avance sur des calques puis sur des cellulos. C’est du travail sans filet, mais c’est excitant. L’animation, on doit la sentir, pas la ’91calculer’ . Un animateur est un peu comédien. Et moins il y a d’intermédiaires, plus l’émotion passe. »
Laguionie a vingt-six ans quand il termine la Demoiselle et le violoncelliste. Huit courts métrages vont suivre, tous réalisés en solitaire et couverts de lauriers dans les festivals. Laguionie est à la fois conteur, animateur, peintre, metteur en scène… Devant ses décors léchés aux tons pastel, on évoque d »ord le douanier Rousseau. Mais ses films n’ont rien de naïf. Ce sont des fables douces-amères, dont les héros, comme lui, sont des solitaires, des cœurs purs, des marginaux qui vont au bout de leur rêve… « Sur le moment, je n’avais pas l’impression que Paul Grimault m’enseignait quelque chose. Il avait pour principe de ne jamais intervenir. On travaillait en toute liberté, dans un certain état d’esprit, celui de la bande à Prévert. C’est seulement aujourd’hui que je découvre tout ce que je lui dois. »
La Fabrique
En 1979, il se lasse de travailler seul. Et c’est la grande aventure de Gwen, le livre de sable (1984), son premier long-métrage – toujours en papier découpé – pour lequel il réunit une petite équipe. Ensemble, ils s’exilent dans une ancienne filature, La Fabrique, au bord d’une rivière des Cévennes, non loin de Montpellier. « Ca n’avait rien d’une équipe hollywoodienne. On était six au début; on a fini à neuf. On a mis cinq ans à boucler le film. Chaque personnage découpé (et il en faut douze par seconde !) était retravaillé au pinceau, pour ajouter ombres et lumières. » Après la mer, le désert : le scénario nous emmène en l’an 3200. Une enfant de treize ans, adoptée par une tribu de nomades, fait un étrange voyage. Gwen est une élégante chanson de gestes, aux images lumineuses mais aux symboles obscurs… La critique, embarrassée, loue la splendeur visuelle mais s’avoue désorientée par l’intrigue. Le film ne tient qu’une semaine dans trois salles à Paris.
« Alors, se souvient Laguionie, je me suis posé de sérieuses questions sur mes responsabilités dans cet échec. » Devenu producteur et scénariste, il va rester dix ans sans signer de films. Grâce à une aide de la Région et avec l’appui du CNC, La Fabrique devient un Centre régional d’animation. Plusieurs artistes parisiens, dont Michel Ocelot, futur auteur de Kirikou et la sorcière, descendent y travailler. « Mais plus question de long-métrage. On avait compris aussi que nos courts seraient insuffisants à faire tourner la boutique. Alors, on s’est tourné vers la série télé, avec l’objectif d’y imposer une certaine qualité. »
Très vite, la réputation de La Fabrique se répand. D’autres studios étrangers se reconnaissent dans cette façon de travailler. Alors, pour mieux lutter contre l’évasion de l’animation hors d’Europe, La Fabrique s’associe à trois studios de pays différents (un Allemand, un Belge et un Anglais ) et crée EVA, le premier GEIE (Groupement européen d’intérêt économique) ». ‘c7a permettait d’intéresser les télés à des séries plus ambitieuses : feuilletons, spécial TV… Chaque entreprise, d’importance équivalente, gardait son identité, mais on se partageait le travail suivant nos compétences. » De cette période datent des séries comme Les Animaux du bois de quat’sous, de Philippe Leclerc, ou Guano, de Fedérico Vitali.
Une création européenne : le Château des singes
Mais l’envie d’un nouveau long-métrage taraude Laguionie : « J’avais écrit un conte le Château des singes. J’avais un producteur français, Patrick Moine, et un co-producteur anglais, Steve Walsh. Nous avons essayé de trouver un intermédiaire entre le fameux film d’auteur fait uniquement avec des soucis artistiques et le film populaire. J’ai mis de côté mon introversion et, pour la première fois, j’ai travaillé en pensant aux enfants, avec un co-scénariste anglais. » Vu l’ampleur du travail, on adopte la technique traditionnelle du dessin animé sur cellulo. « Tout le travail en amont est une création collective, avec des artistes venus des quatre coins d’Europe. Puis l’animation a été partagée entre les pays co-producteurs : Angleterre, Allemagne, Hongrie. En tout, quatre ans de travail pour environ 300 personnes. » Bien sûr, il a fallu faire quelques concessions. « On m’a fait comprendre que je devais ajouter des personnages comme ’91le méchant’, ou ’91la princesse’. ‘c7a peut sembler conventionnel, mais ça enrichit aussi l’histoire et on peut faire passer quelques idées en douceur. Avec ces deux communautés de singes, séparées par une forêt imaginaire, qui s’imaginent différentes alors qu’ils sont les mêmes, je voulais montrer que c’est la méconnaissance qui amène la haine. »
Durant la post-production du Château des singes, Laguionie écrit un roman : L »cele de Black Mor. Il lui faudra deux ans pour parvenir à monter financièrement son adaptation en dessin animé. Il y retrouve la mer pour un autre voyage et un autre message : les vrais trésors ne sont pas ceux que l’on croit.
Filmographie
- Courts métrages
- 1965 La demoiselle et le violoncelliste
- 1967 L'arche de Noé
- 1969 Une bombe par hasard
- 1971 Plage privée
- 1972 Hélène ou le malentendu
- 1974 Potr' et la fille des eaux
- 1975 L'acteur
- 1976 Le masque du diable
- 1978 La traversée de l'Atlantique à la rame
- Longs métrages
- 1985 Gwen ou le livre de sable
- 1999 Le château des singes
- 2003 L'île de Black Mor
- 2011 Le tableau
- Mise à jour le 14 février 2013
Outils
Bibliographie
- Livres de Jean-François LaguionieLa Ville et le vagabond, (album), Ed. Léon Faure, 1978
La Traversée de l'Atlantique à la rame, (album), Ed. Léon Faure, 1978
Les Puces de sable, (nouvelles), Ed. Léon Faure, 1982
Image-Image, (nouvelles), Ed. Léon Faure, 1983
La Traversée de l'Atlantique à la rame, Ed. Gallimard, Coll. Folio-cadet, 1985
Le Château des singes, Ed. Csterman, Coll. Romans Dix&plus, 1985, et album, 1999
Pantin la pirouette, Ed. Albin Michel, 2004
L''cele de Black Mor, roman et album, Ed. Albin Michel, 2004VidéographieLe Château des singes
DVD
Gwen et le livre de sable
DVD, VHS, la plus belle édition sur Jean-François Laguionie avec un double DVD qui, en plus du film, propose ses plus beaux courts métrages et deux interviews du cinéaste.
L''cele de Black Mor
Distribution ADAV n° 57 611