Synopsis
En Afghanistan, au début de la prise de pouvoir par les talibans. Une jeune fille de douze ans vit seule dans la misère avec sa mère. Les talibans interdisant aux femmes de travailler, la mère n’a d’autre solution, pour subsister, que de travestir sa fille, lui couper les cheveux et l’habiller en garçon. Désormais, elle s’appellera Osama. On lui trouve du travail chez un vieil ami de son père, décédé pendant la guerre contre l’ex-URSS. Mais elle est bientôt embrigadée par les talibans afin d’être internée avec les garçons de son âge et de recevoir une éducation fondamentaliste « digne de ce nom ». Combien de temps pourra-t-elle encore dissimuler son sexe ?
Générique
Réalisation : Siddiq Barmak
Scénario : Siddiq Barmak
Image : Ebrahim Ghafuri
Son : Behrouz Shahamat, Farokh Fadai
Montage : Siddiq Barmak
Musique : Mohammad Reva Darwishi
Production : Barmak Film avec Siamak Alagheh Band, Abubakr Atef
Distribution : Haut et court
Couleur
Durée : 1 h 23
Interprétation :
Marina Golbhahari / Osama
Arif Herat
Zubaida Sahar
Nader Khwaja
Hamida Refar
Gol Rahman Ghorbandi
Autour du film
Tourné entre 2002 et 2003, pendant l’agonie du régime des talibans, Osama porte un regard sur le totalitarisme religieux observé du point de vue de la femme, et plus particulièrement de l’enfance. Pédagogie, détails chronologiques précis et messages d’intention s’effacent cependant de manière bienvenue, au profit de la thématique intemporelle et cruelle du conte, dont l’enfant est souvent le meilleur vecteur. Ainsi, les talibans sont rarement nommés et peu mis en situation, filmés de manière pertinente par le réalisateur Siddiq Barmak comme une entité malveillante, symbole d’une répression toute masculine envers les femmes et les enfants, une répression finalement sans âge, sans frontière et sans culture spécifique. Confiant dans son récit, Siddiq Barmak s’avère un conteur habile qui, hormis quelques ralentis ostentatoires, appuie rarement ses effets au profit d’une mise en scène où l’irréalité de la situation (des fous de Dieu soudain surgis de partout, une jeune fille perdue au milieu d’une école de garçons éduqués dans le strict respect des préceptes discriminatoire des talibans) se joint intelligemment à son caractère inacceptable et révoltant. Plus cauchemardesque qu’édifiant, le parcours de cette jeune fille transformée en garçon pour subir plus violemment encore les avanies de sa féminité possède un caractère universel qui permet au film de se placer un peu au-delà du témoignage filmique d’un pays envers la propre dictature qu’il a subi et qu’il a combattu.
Julien Welter / Arte 24 mars 2004
Soudain, Dieu mit Mohsen Makhmalbaf sur mon chemin « , nous dit Siddiq Barmak. Formé à l’école de Moscou, son parcours est chaotique comme l’histoire de son pays. Dans l’urgence et avec l’aide de l’ami iranien pour monter une production (entre autres avec la télévision japonaise NHK) et participer au Festival de Cannes (à la Quinzaine des réalisateurs en 2003), Siddiq a pu réaliser une œuvre profondément afghane : un cri venu du fond de la barbarie, tel est le corps torturé d’une petite fille nommée Osama.
Osama est un hymne aux femmes et aux enfants de Kaboul, qui malgré tout croient encore à la fascination des Filles de Samarkand du Peintre-Roi et à la légende de Roustam, dont le pouvoir tendre a à voir avec les arcs-en-ciel. Rien de cette beauté de diamant au sein d’une horreur au goût de cendre n’a échappé au jury du Festival de Valenciennes, qui a décerné son grand prix à l’unanimité au film de Siddiq Barmak, et son prix d’interprétation à Marina Golbahari, merveilleuse Osama. Entretien.
Vous êtes né dans un rare moment de libéralisation en Afghanistan où régnait une émulation entre Américains et Soviétiques. Comment était votre enfance ?
Siddiq Barmak. Je suis né en 1962, à une centaine de kilomètres au nord de Kaboul, d’où vient Ahmad Shah Massoud. Enfant, mon père m’amenait voir des » polars » français. Avec l’arrivée des Soviétiques en 1979, c’était le règne du cinéma de propagande, même les films indiens étaient sélectionnés, avec une prédilection pour les histoires de paysans ou d’ouvriers. Dès 1980, il y a eu des mouvements de populations : les habitants des villes, qui avaient l’habitude d’aller voir des films, se sont enfuis vers le Pakistan et ceux des petites villes sont venus à Kaboul. Ils allaient au cinéma en famille, même les filles s’y rendaient. Elles s’habillaient à l’européenne mais après les années quatre-vingt, avec la constitution des mouvements de résistance, la vie sociale a changé. Elle est devenue dangereuse et les filles n’étaient plus en sécurité.
Quel a été l’état du cinéma afghan ?
Siddiq Barmak. Du temps des Soviétiques, la production était de quatre ou cinq films par an, ce qui était considérable. Il y avait aussi des programmes de télévision, beaucoup de propagande, bien sûr, parce que les films étaient réalisés surtout par des techniciens qui n’avaient pas un vrai désir de cinéma. Une forme d’éducation passait par le cinéma. De mon point de vue, c’était positif. Après 1986, la guerre a connu un tournant : nous avons pu réaliser des films sur des sujets sociaux, voire des histoires d’amour. Mais c’était difficile de passer d’une situation à une autre, les cinéastes se cherchaient, réalisant un cinéma expérimental afin de trouver leur propre style. Avec les bombardements, les archives ont brûlé et les cinémas ont été fermés pour devenir des écoles coraniques. Toute activité s’est arrêtée, on a connu une grande déstabilisation, plus personne ne prenait de décisions. C’était tragique et, en même temps, la chance était de pouvoir refaire des films en tentant d’arrêter le processus taliban. Nous devions tout reconstruire, y compris notre psychisme, beaucoup parmi nous ont perdu leur identité. Nous faisions des films virtuels car aucun projet, même de court métrage, n’était envisageable. Avant d’être artiste, il faut être humain.
Comment voyez-vous la situation aujourd’hui ?
Siddiq Barmak. Lorsque je regarde en arrière, je peux dire que nous avons tout gagné. L’espoir est revenu avec Mohsen Makhmalbaf, qui nous aide beaucoup, avec Samira, qui a tourné son dernier film à Kaboul, et Hana, qui a fait un film très profond sur le tournage de sa séur. Maintenant, nous allons pouvoir participer à des festivals comme je l’ai fait à Cannes. Avec Mohsen, nous avons créé ensemble une fondation pour les jeunes cinéastes. Aujourd’hui, une vingtaine de filles et garçons font leur premier film. Quelquefois je me dis que, s’il n’y a plus de guerre, il va se passer de belles choses. Même ceux qui ne savent pas lire peuvent aller au cinéma, y apprendre très vite le monde, s’y enrichir.
Comme vous l’avez fait vous-même à Moscou dans les années quatre-vingt ?
Siddiq Barmak. J’y ai tout appris : preneur de son, assistant à la caméra. En 1980 les Soviétiques avaient créé, en Afghanistan, des associations pour les artistes, les peintres, les écrivains, les musiciens et ils nous ont invités à faire des films. Nous sommes devenus membres de l’Union des cinéastes soviétiques et, un an après, nous avons reçu une bourse pour étudier au VGIK. C’était une chance. J’avais dix-neuf ans. J’ai appris le russe à l’université de Moscou et me suis présenté au concours du VGIK. J’ai été choisi parmi vingt-six étudiants. J’ai gardé beaucoup d’amis qui venaient du monde entier. J’étais le seul Afghan. Je me souviens du choc à la vision des films de Tarkovski, de Tenguiz Abouladze, Elem Klimov et Paradjanov. Ils faisaient un cinéma » libre « . Ils étaient » fous » et la période était très riche.
Après Moscou, vous avez eu une période moudjahid ?
Siddiq Barmak. Oui et j’en ai profité pour faire mon documentaire l’Histoire d’une conquête et surtout écrire des scénarios qui ont été réalisés par des amis : Ombres, par Nacir Al Qass en 1987, et Ascension, par Abir en 1993-94. C’était le bon moment. J’ai beaucoup d’archives sur cette période mais je dois réfléchir et prendre du recul par rapport à moi-même avant de faire un film. J’avais une confraternité avec Massoud, qui n’était pas qu’un combattant mais aussi un artiste. Il avait pris l’habitude de filmer et il faudrait revisiter ses archives. Pour moi, c’était un homme bon qui a fait des fautes politiques. Sa mort a été comme la fin d’un temps, s’il n’avait pas été là, le Pakistan nous aurait colonisés.
Puis il y a eu la possibilité de réaliser Osama avec une phrase de Nelson Mandela en exergue : » Je ne peux pas oublier mais je pardonnerai. «
Siddiq Barmak. Évidemment, je ne peux pas oublier le temps des talibans et il me fallait témoigner. L’essentiel est de savoir comment continuer à vivre, pas d’avoir un esprit de revanche. On ne se reconstruit que si on nomme les choses qu’on a vécues. Et si on peut pardonner, on peut résoudre beaucoup. Ce que je voulais, c’était amener le spectateur à changer de point de vue en commençant mon film avec une caméra dont on ne sait qui la tient. C’est un bon suspense. Quelquefois c’est comme si deux caméras jouaient ensemble. On arrête une caméra et on voit les choses par les yeux de la petite fille. Chacun peut ainsi prendre de l’information sur ce qui arrive, sur qui sont les talibans, ce qu’ils veulent. Le public est amené à » visiter » toutes les situations de la vie quotidienne d’Osama. Ce qui est intéressant, c’est que chacun devienne cette petite fille à l’apparence masculine pour se demander lui-même ce qu’il ferait à sa place. Nous visitons ainsi toutes les institutions possibles, l’hôpital, la maison, le magasin, l’école, la prison, et pour moi tous les lieux sont des prisons. À chaque fois, on est dans l’enfermement, derrière un mur, face à un mur, entre des murs. À chaque fois que l’on veut sortir, il y a un mur comme dans un labyrinthe. Quand une porte s’ouvre, c’est pour mieux se fermer !
Entretien réalisé et traduit de l’anglais par Michèle Levieux / L’Humanité 24 mars 2004
Outils
Web
site officiel du film (site en anglais, photos, extraits du film)
Osama, fiche cinéma (s) LE FRANCE
Osama, fiche pédagogique cndp
Site Crdp de Lyon, documents à consulter