Biographie
(1916-2007)
Pendant longtemps, Luigi Comencini a été considéré comme un habile artisan dont le seul titre de gloire était » d’avoir lancé la série populaire des Pain, amour » Le succès populaire de Comencini interdit longtemps de le considérer sous l’angle artistique, encore moins comme un » auteur « . Il est vrai que lui-même, à la façon des grands classiques, n’a guère œuvré en ce sens : » Il y a des gens pour m’appeler « ma’eetre » et déclarer que je suis un artiste, confiait-il encore au Figaro à la sortie d’Un enfant de Calabre. Je préfère passer pour un artisan qui donne à rêver « . Comencini n’est pas l’artiste isolé qui médite longuement son œuvre et attend que les moyens lui soient donnés pour la réaliser, à la manière d’un Robert Bresson, par exemple. Comme Chabrol en France il considère que » faire des films est mon métier, celui qui exerce mon métier doit faire des films « . Il préfère même, par honnêteté intellectuelle, réaliser un film de » compromis » dans lequel il introduira quelque chose de sa vision des choses que des films publicitaires : » On ne peut pas avoir une attitude publique contre la société de consommation, confie-t-il en 1979, contre les conditionnements du marché dont nous sommes tous victimes et surtout nous qui faisons du cinéma, et, en même temps, contribuer avec des films publicitaires à maintenir cet état des choses « .
Luigi Comencini est né à Salಠle 8 juin 1916. Sa famille s’installe à Agen, en France, en 1925 et le jeune Luigi fréquente le lycée de la ville jusqu’en 1934, date à laquelle il rejoint Milan pour y obtenir un diplôme d’architecture en 1939. Parmi les lectures qui l’ont marqué, Comencini cite Les Faux-Monnayeurs, de Gide, et L’Evangile. C’est à la fin de sa scolarité qu’il se prend de passion pour le cinéma à travers des films de Pabst (L’Opéra de quat’sous, l’Atlantide). à Milan, il se lie d’amitié avec le futur cinéaste Alberto Lattuada. Avec celui-ci et le critique Mario Ferrari, il fonde une cinémathèque privée et se consacre jusqu’en 1946 à réunir de vieux films. Ce sera la base de l’actuelle Cinémathèque de Milan. Il réalise un court métrage en 16 mm en 1937, est critique, photographe, puis assistant-réalisateur et scénariste durant la guerre. En 1946, il travaille à la rubrique culturelle du quotidien socialiste Avanti ! Son court métrage documentaire I Bambini in città , sur les enfants qui tentent de recréer un monde imaginaire et habitable dans les rues de Milan dévasté et hostile, obtient le pris du meilleur court métrage de l’année et est présenté à Cannes et Venise. Carlo Ponti propose alors à Comencini de réaliser un » remake » d’un film américain sirupeux mais à succès de Norman Taurog (Boy’s Town) où un prêtre démontre qu’il est possible de récupérer même les pires des enfants délinquants. Dans Proibito rubare (De nouveaux hommes sont nés, 1949), Comencini oppose l’idéaliste d’un jeune prêtre à la violence des bas-fonds. Le film est un échec et le réalisateur accepte de diriger Toto dans une comédie plutôt médiocre, l’Imperatore di Capri, suivi de deux films sur la prostitution, Volets clos (1950) et Traite des blanches (1952). Tourné en Suisse à partir d’un classique de la littérature enfantine, Heidi (1952), est un échec commercial en Italie et, découragé, Comencini découvre dans un livre d’Ettore Margadonna une galerie de personnages intéressants et une féroce critique d’un maréchal des logis que préfère courir les femmes et manger que remplir sa mission. Inquiet, le producteur, sur le conseil du général commandant du corps des carabiniers, confie le rôle à Vittorio De Sica, ce qui permet au film d’exister mais rend sympathique le héros. La forte présence de Gina Lollobrigida contribue également au fabuleux succès, totalement inattendu, du film en Italie comme à l’étranger. Comencini a la faiblesse d’accepter de donner une suite à Pain, amour et fantaisie (1953) avec Pain, amour et jalousie (1953). Le premier est d »ord bien accueilli par la critique. Alberto Moravia y voit » le passage du film néoréaliste à la comédie de dialecte… D’une authenticité de contenu et de documentation à une authenticité d’art et de langage « . Mais le suite, le troisième volet réalisé par Dino Risi, des sous-produits de la série entra’eene un revirement et Comencini sera longtemps considéré comme le » fossoyeur du néoréalisme « .
Après une comédie douce-amère, La Belle de Rome (1955), Comencini réalise un film personnel dans lequel il se reconna’eet pleinement, Fenêtre sur Luna Park (ou Tu es mon fils, 1956). Dans un faubourg misérable de Rome, un enfant de huit ou neuf ans, dont le père a émigré en Afrique pour faciliter la vie de son épouse et de son fils, cherche désespérément un substitut paternel. Il s’attache à l’amant de sa mère et, après la mort accidentelle de celle-ci, repousse son père, de retour, qui ne songe qu’à repartir et mettre son fils en pension… » Le film est émouvant, mais à quoi bon s’attarder sur la misère dans les taudis ? « , aurait déclaré Giulio Andreotti, alors ministre, résumant l’opinion du public. Le film est un échec et Comencini se tourne vers de satires de mœurs sur l’adultère.
En 1960, Comencini réalise une de ses grandes comédies et un de ses grands succès, La Grande pagaille, regard ironique et cruel sur la débandade de l’armée italienne lors de l’armistice de septembre 1943. Avec les scénaristes Age et Scarpelli et le réalisateur Mario Monicelli, Comencini fonde due coopérative qui produit A cheval sur le tigre (1961), comédie amère, voire désespérée. Avec La Ragazza di Bube (1963), beau portrait de femme (Claudia Cardinale) autour d’un épisode sentimental durant la guerre. La crise économique que vit l’Italie en 1964 pousse Comencini vers des sketches et des films mineurs qui conservent néanmoins des qualités, comme Le Partage de Catherine (1965). Ce n’est pas le cas de Don Camillo en Russie (1965), dont Comencini détestait dès le départ l’idéologie et le style, mais qu’il réalisa pour éponger les dettes de d’une société de production dans la faillite de laquelle il était impliqué. Le succès du film lui permit pourtant de tourner L’Incompris (1967, voir dossier pédagogique » Collège au cinéma « , n° 30), mal accueilli à Cannes, mais auquel le temps donnera ses galons de chef-d’œuvre du mélodrame sur l’enfance. Ce film ouvre d’ailleurs sur une série d’œuvres majeures plus connues, puisque sortie au moment où la critique et le public découvre, tardivement, que le cinéma italien ne se limite pas à Rossellini, Visconti, Fellini et Pasolini : Casanova, un adolescent à Venise (1969), Les Aventures de Pinocchio (voir dossier pédagogique » Collège au cinéma « , n° 48), L’Argent de la vieille (1972, une de ses comédies les plus féroces), Un vrai crime d’amour (1973), Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ? (1974).
Après des films de moins grande importance et l’excellent et férocement lucide Le Grand embouteillage (1978), Comencini revient à l’enfance, qu’il n’avait pas abandonnée en tournant en 1970 pour la télévision I Bambini e noi, une enquête sociologique sur la situation des enfants dans la famille italienne et la société qui bénéficie d’une énorme audience à la télévision italienne. Eugenio (1980), sur un enfant issu de la génération de 68 ballotté dans une famille disloquée où il se sent » en trop « , est une autre grande œuvre de Comencini, sous-estimée en France. C’est encore l’univers de l’enfance, mêle de nostalgie et de désillusion, qui anime Cuore (1983), feuilleton TV et film, comme le sera La Storia (1985). Joyeux No’ebl, bonne année (1989) est encore un film sensible et nostalgique sur un vieux couple séparé, mais Marcellino (1991) » remake » d’un mélodrame espagnol, longtemps film-fétiche des écoles religieuses, pourtant délicat et attachant, n’apporte rien à une œuvre déjà suffisamment riche.
Luigi Comencini meurt le 6 avril 2007 à Rome (Italie).
Filmographie
Longs métrages
Mise à jour le 30 avril 2009