Synopsis
Au XVIIe siècle, Cyrano de Bergerac est affecté aux Gardes. Mais son appendice nasal lui vaut des railleries qu’il châtie sévèrement grâce à un exceptionnel talent de bretteur. Il est secrètement amoureux de sa cousine, Roxane, qui aime un nouveau venu chez les Gardes, le beau Christian qui hélas pour lui ! connaît quelques difficultés à s’exprimer, au contraire du bel esprit qu’est Cyrano. Ils passent un marché : aux yeux de la â précieuse â Roxane, Cyrano sera l’esprit et Christian l’apparence. Mais Christian sera tué au siège d’Arras, laissant Roxane inconsolable.
Cyrano lui rendra chaque jour visite dans le couvent où elle s’est retirée, et, victime d’un attentat, mourra dans ses bras. Elle découvre alors le véritable auteur des mots qui la bouleversaient.
Distribution
Cyrano de Bergerac
Rostand ne s’est pas contenté de prendre pour modèle le véritable Cyrano, il a puisé dans la complexe histoire littéraire et théâtrale de la fin de la première moitié du XVIIe siècle. Il aura ainsi grandement contribué à la réhabilitation de cet écrivain méconnu, et participé à ce courant de pensée qui, à la fin du XIXe siècle, a donné ses lettres de noblesse au baroque et à son exacerbation, la “ préciosité ”.
Jusqu’en 1642, la création foisonne et aborde tous les genres, de la tragédie à la comédie, de la pastorale aux féeries-ballets utilisant de complexes « machines » de scène. L’Hôtel de Bourgogne est alors en concurrence avec le Théâtre royal du Marais (où fut représenté le “ Cid ” – et non à l’Hôtel de Bourgogne comme il est dit dans le film). À partir de 1644, s’impose le « style de l’Hôtel de bourgogne » dont l’acteur Zacharie Jacob, dit Montfleury (1600-1667), est l’une des figures marquantes, célèbre pour une emphase qui fut vertement combattue par Molière et par Cyrano. On le voit dans le film interpréter une pièce de Balthazar Baro, “ la Clorise ”, créée en 1631.
La pièce de Rostand, à quelques libertés historiques près, se situe donc au moment où la réaction “ classique ” va l’emporter sur une période de profondes et riches turbulences : c’est la victoire du classicisme sur le baroque, du sérieux sur le “ précieux ”.
Les écrivains “ libertins ” du XVIIe siècle vont revendiquer une conception de l’homme issue de l’humanisme de la Renaissance et préparer l’avènement du siècle des Lumières. Ils affirment la primauté de l’existence humaine sur son essence divine. Combattus par Richelieu, les tenants de ce courant de pensée (Pierre Gassendi ou son disciple, Cyrano de Bergerac) connurent, à la faveur de la Fronde, un fort développement de leurs idées.
Né en 1619, à Paris, Savinien de Cyrano est issu d’un père, avocat au Parlement. Après des études tumultueuses au Quartier Latin, il prend le nom “ de Bergerac ” (du nom de terres que ses parents avaient possédées dans la vallée de Chevreuse) et, en 1639, s’engage avec son ami Le Bret dans la Compagnie des Gardes composée surtout de gentilshommes gascons (il s’est donc trouvé dans la situation que Rostand prête à Christian). Redoutable bretteur, il est blessé au siège d’Arras (1640) et quitte la carrière militaire.
Parallèlement à l’enseignement qu’il reçoit de Gassendi, il se fait connaître par d’extraordinaires prouesses et devient de son vivant un personnage de légende. Il fréquente Tristan L’Hermite, Scarron, Chapelle et sans doute aussi Molière. Il écrit vers 1646 une comédie : “ Le Pédant joué ” qui ne sera pas représentée. Puis dilapide rapidement l’héritage paternel. En 1648, au début de la Fronde, il prend parti contre Mazarin et publie de virulents pamphlets. Mais deux ans plus tard, il rédige une “ Lettre contre les Frondeurs ” et fait l’éloge de la monarchie absolue, s’aliénant ses anciennes amitiés.
“ L’autre monde ” (1650) manifeste un esprit étrange qui mêle au rationalisme sceptique un lyrisme visionnaire, annonciateur aussi bien de Diderot que de Jules Verne, Swift ou de la science-fiction. Et, en 1653, une réplique de “ la Mort d’Agrippine ” – Frappons, voilà l’Hostie ! – le fait accuser d’athéisme. En 1654, il est victime d’un accident, une poutre lui tombe sur la tête. Il meurt le 28 juillet 1655, à Sannois. Le Bret publie après sa mort une édition expurgée de “ L’Autre Monde ”, sous le titre de “ Histoire comique ”. Le texte intégral ne sera publié qu’en 1921. Entre temps, Charles Nodier et Théophile Gautier auront loué son génie et Rostand l’aura rendu immortel.
Repères chronologiques :
1619 : Naissance de Cyrano.
1624 : Richelieu devient Premier Ministre.
1636 : Création du “ Cid ”.
1640 : Arras est repris aux Espagnols.
1642 : Mort de Richelieu, Mazarin devient Premier Ministre.
1643 : Mort de Louis XIII. Avènement de Louis XIV.
1648 : Fin de la Guerre de Trente ans.
1648 : Début de la Fronde.
1653 : Mazarin met fin à la Fronde.
1654 : Accident de Cyrano.
À Arras, Turenne repousse les Espagnols auxquels s’est rallié Condé.
1655 : Mort de Cyrano.
Roxane
Elle ne peut envisager la vie et l’amour que de manière romanesque. Férue de poésie, elle représente l’archétype de la Précieuse du XVIIe siècle. Historiquement, Rostand s’est inspiré de deux personnages réels : la cousine du véritable Cyrano de Bergerac, Madeleine Robineau, baronne de Neuvillette, qui se retira du monde après la mort de son mari lors du siège d’Arras et qui était loin d’être une précieuse ; et Mlle Marie Robineau, connue dans le monde de la préciosité sous le nom de Roxane et qui fut une grande amie de Mademoiselle de Scudéry.
Christian
S’il possède beauté et bravoure, il ne brille guère en revanche par l’esprit, il peut même apparaître quelque peu falot, en tout cas dénué d’une forte personnalité. Historiquement, Rostand s’est inspiré de Christophe de Campagne, baron de Neuvillette, mari de Madeleine Robineau et mort effectivement au siège d’Arras.
Ragueneau
Poésie et pâtisserie sont inséparables pour ce gentil mécène des écrivaillons et des poètes au petit pied, au point que malgré l’œil vigilant de son épouse, il fera faillite et finira moucheur de chandelles dans la compagnie de Molière. Là encore, Rostand s’inspire d’un personnage authentique dont la fille fut comédienne dans la troupe de Molière.
Le Bret
C’est le confident, l’ami à qui l’on dit ce que l’on tait aux autres. Il veille autant qu’il le peut sur Cyrano dont les fantaisies “ anarchistes ” l’inquiètent à juste titre. Le personnage a, lui aussi, réellement existé. Ami d’enfance de Cyrano, il s’engagea avec lui aux Cadets de Gascogne. Devenu chanoine à la mort de Cyrano, il publiera ses œuvres qu’il préfacera lui-même.
Comte de Guiche
Ce puissant seigneur amoureux de Roxane voudrait bien, pour arriver à ses fins, lui faire épouser un mari de complaisance à sa botte. Il sera finalement joué et ridiculisé par la belle. Mondain à la ville, il se révèle un valeureux soldat sur le champ de bataille.
Hormis l’intrigue amoureuse inventée de toutes pièces, Rostand s’est inspiré de l’authentique comte de Guiche, Antoine de Gramont, neveu de Richelieu et maréchal de France.
Montfleury
Personnage insignifiant et ridicule dans la pièce de Rostand, il s’appelait de son vrai nom Zaccharie Jacob et devint sous le pseudonyme de Montfleury l’un des plus célèbres acteurs de l’Hôtel de Bourgogne. Gros, presque obèse, il fut ironiquement attaqué par Molière qui parle de “ sa vaste circonférence ” dans “ l’Impromptu de Versailles ”, et par Cyrano dans sa “ Lettre à un gros homme ”.
Générique
Adaptation Jean-Paul Rappeneau et Jean-Claude Carrière, d’après l’œuvre de Edmond Rostand
Production Hachette Première et Cie, Caméra One – UGC, DD Productions et Films A2
Producteur délégué René Cleitman
Dir. de production Gérard Gaultier et Patrick Bordier
Réalisation Jean-Paul Rappeneau
Ass. réal. Thierry Chabert et Francine Meunier
Image Pierre Lhomme et Dominique Hennequin
Son Pierre Gamet
Décors Ezio Frigerio
Costumes Franca Squarciapino
Maître d’armes William Hobbs
Montage Noëlle Boisson
Musique Jean-Claude Petit
Interprétation
Cyrano de Bergerac / Gérard Depardieu
Roxane / Anne Brochet
Christian / Vincent Perez
Comte de Guiche / Jacques Weber
Ragueneau / Roland Bertin
Le Bret / Philippe Morier-Genoud
Vicomte de Valvert / Philippe Volter
Carbon de Castel-Jaloux / Pierre Maguelon
La duègne / Josiane Stoleru
Lignière / Jean-Marie Winling
L’enfant / Anatole Delalande
Le père / Alain Rimoux
Le fâcheux / Louis Navarre
Montfleury / Gabriel Monnet
Bellerose / François Marié
Jodelet / Pierre Triboulet
Le tire-laine / Jacques Pater
Lise / Catherine Ferran
Le capucin / Jérôme Nicolin
Les cadets / Hervé Pauchon, Christian Loustau, Eric Bernard, Alain Perez, Frank Ramon, Alain Dumas, Franck Jazédé
La mère supérieure / Madeleine Marion
Sœur Marthe / Amélie Gonin
Films Couleurs Fuji
Format 1/1,66
Son Stéréo Dolby
Durée 2h15
Distribution UGC
Visa n° 66 874
Sortie en France 28 mars 1990
Autour du film
Un profil d’équilibre
Rappeneau a beau faire, il se trouve confronté à la même difficulté que tous ceux qui ont porté “ Cyrano ” à l’écran ou à la scène : le héros est tellement écrasant que les autres personnages en deviennent “ écrasés ”. Comme le dit Jean-Claude Carrière : “ autour du soleil Cyrano, les autres héros paraissent souvent bien pâles ”.
Cela dit, les trois personnages principaux, Cyrano, Roxane et Christian constituent un véritable trio amoureux dans tous les sens du terme : Roxane aime le verbe de Cyrano et le physique de Christian, Cyrano et Christian aiment tous deux Roxane à la fois pour la beauté de son corps et la perfection de son âme mais ils sont loin de se détester entre eux, des rapports de fratrie un peu troubles les lient l’un à l’autre… La chose s’épaissit encore – à moins qu’elle ne s’éclaire – si l’on songe que chacun se sert de l’autre pour arriver à ses fins. Tout le monde utilise tout le monde : Roxane fait protéger Christian par Cyrano à deux reprises, Christian profite du talent littéraire de Cyrano pour conquérir la belle, Cyrano profite du minois de Christian pour vivre sa relation amoureuse avec Roxane par personne interposée. On peut penser dans un premier temps que si nos trois héros hésitent à des degrés différents entre passage à l’acte et sublimation, ils optent pour la seconde solution. Dans un deuxième temps, et si l’on veut y regarder de plus près, on se rend compte que leur démarche peut être lue comme perverse, une perversion qui, pour être en grande partie inconsciente, n’en fait pas moins de dégâts. On parle volontiers et à juste titre du sacrifice de Cyrano s’inscrivant dans la plus belle tradition romantique, mais s’il y en a un qui fait définitivement les frais de l’histoire, c’est bien le pauvre Christian : a priori son décès est un désastre, pour Roxane bien sûr mais aussi pour Cyrano. Sa noblesse d’âme le contraint à ne pouvoir jamais dire à Roxane : “ les mots d’amour qui te grisaient, c’étaient les miens ”. On notera, comme par hasard, que cette mort intervient juste au moment où il va pouvoir enfin lui avouer le subterfuge (vous avez dit perversion ?). A posteriori, à condition de creuser un peu les relations, cette mort arrange et Roxane et Cyrano. Pour la première, visiblement plus préoccupée par les plaisirs du langage que par ceux de la chair, cette mort lui fournit un alibi de réalité (ce sont les pires !) pour fuir à jamais l’acte sexuel dont on sent bien qu’il doit lui paraître sale s’il n’est pas magnifié (lavé) par des sentiments élevés.
Par parenthèse, si l’on veut bien se rappeler que de nombreux dictons populaires mettent en relation la taille du nez et celle du sexe chez l’homme, la protubérance nasale de Cyrano s’inscrit alors dans une fantasmatique directement sexuelle. Et l’on imagine très bien Roxane se disant intérieurement : “ Cachez ce nez que je ne saurais voir ” ! Le côté amusant de ces propos, du moins nous l’espérons, ne saurait dissimuler la métaphore sexuelle. Parenthèse fermée.
Pour en revenir à la mort de Christian, elle arrange tout autant Cyrano : son vilain nez de belle taille lui interdisant à jamais de consommer une union avec sa charmante cousine, il est condamné à lui faire l’amour avec des mots. C’est frustrant, certes ! mais ça le serait davantage encore si quelqu’un d’autre partageait le lit de la belle pendant qu’il rimaille. Mieux vaut qu’elle aime un fantôme plutôt qu’un être de chair et de sang. Cyrano est désormais tranquille : si Roxane ne couche pas avec lui, elle ne couchera pas avec d’autres non plus. Ils vont pouvoir s’aimer comme deux purs esprits en étant définitivement débarrassés de l’acte sexuel. La mort de Christian a une véritable fonction : assurer un profil d’équilibre dans la relation Roxane-Cyrano.
Une telle lecture, qui lorgne volontiers du côté de chez Freud, a pour but de prendre en écharpe l’idéologie romantique des personnages, pas de la dénigrer ni d’enlever au spectateur son quota de larmes. Les héros romantiques croient vraiment à la valeur du sacrifice, aspirent au sublime et font tout pour l’atteindre. Pour un beau geste, un beau mot, ils sont prêts à risquer leur vie, surtout si ça ne sert à (presque) rien : “ C’est beaucoup plus beau lorsque c’est inutile ”. La mort de Cyrano reste à cet égard un grand moment de théâtre. Dans cette pièce où l’on trouve le pire et le meilleur, où des vers de mirliton côtoient des vers superbes, ce sont ces derniers qui l’emportent à la fin. Comment ne pas se laisser bercer par la musique de ces deux-là : “ Grâce à vous une robe a passé dans ma vie ” ou encore “ Vous voyez, le rayon de lune vient me prendre ”. Ce n’est pas pour rien que cette pièce brillante où se mélangent strass, paillettes et purs diamants se termine par le mot “ panache ”.
Enfin, et quoiqu’on puisse penser des qualités de versificateur de Rostand, on ne saurait lui enlever son talent de dramaturge, d’inventeur d’histoires. L’histoire de “ Cyrano ” est riche, passionnante, foisonne en rebondissements. Nous avons tous rêvé ou pleuré sur des amours impossibles, ici l’amertume et la nostalgie sont à multiplier par trois. Nous avons tous compati au désespoir des héros possédant une belle âme dans un vilain corps leur interdisant d’accéder à l’être aimé, ici c’est particulièrement déchirant.
Par ailleurs, si l’on veut être honnête, lequel de nous n’a pas jalousé à un moment donné un jeune homme de nos amis que la nature avait doté d’un merveilleux physique et à qui il suffisait de paraître pour séduire les jupons qui passaient à sa portée ? Et si, de surcroît, il était sot, nous ressentions cela comme une véritable injustice. Jacques Brel l’exprimait ironiquement : j’ai rêvé d’être “ beau et con à la fois ”. De ce point de vue, le personnage de Christian, et sa mort, représentent une sorte de revanche (tout à fait inconsciente, bien sûr).
Reste à rêver à l’impossible idéal : l’intelligence de l’un et le corps de l’autre, c’est ce que Cyrano et Christian font croire à Roxane, superbe imposture où ils laisseront leur vie.
Alain Carbonnier et Jacques Petat
Autres points de vue
Les mots sont la véritable matière du film
“ L’audace de Rappeneau s’accompagne, cela dit, d’un défi plus en rapport avec l’identité de son film (surtout pas de théâtre filmé : il faut que le spectateur reconnaisse le cinéma) qu’il relève le plus souvent avec l’élégance d’un Demy par un mouvement saisissant dans l’élan la musicalité des vers. Avec cette ouverture qui, d’emblée, sature la puissance des mots, le film a trouvé son maître. Le “ Cyrano ” de Rappeneau a la langue bien pendue et son nez légendaire demeurera moins voyant dans le film, que la parole qui, à travers le personnage (et son relais fusionnel, Depardieu) y prend corps.
Rappeneau croit au pouvoir de séduction des mots, à leur capacité d’imprimer un rythme à sa mise en scène et il se révèle ainsi lui-même un véritable double de Cyrano, aussi enflammé, aussi naïf, aussi magicien que le héros de Rostand. Les mots ne racontent pas seulement ici une histoire, ils en sont la principale matière. ”
Frédéric Strauss,
in “ Les Cahiers du Cinéma ”, n° 430, mars 1990.
La cérémonie théâtrale fait place au reportage filmé
“ Pour ne pas se laisser dévorer par la tradition, Depardieu a joué la carte du réalisme et de la turbulence moderne. Encouragé par son metteur en scène qui ne trouvait jamais qu’il en faisait trop, trop agité, trop lion en cage, trop prosaïque. Depardieu entre de plain-pied dans l’action, partout à la fois dans un désordre essoufflant, et cherchant avec une hâte fiévreuse à simuler l’improvisation. L’introït de la grande cérémonie théâtrale de Rostand fait place aux pris sur le vif, au reportage filmé au front, au feu, caméra au poing : incident à l’Hôtel de Bourgogne, Cyrano chasse Montfleury et se bat en faisant des vers. ”
Michel Perez, in “ Le Nouvel Observateur ”, 29 mars 1990.
Des vers à la mesure du film
“ Du cinéma, rien que du cinéma, si fort, si maîtrisé que l’on met un moment à réaliser que tout ce beau monde parle en vers, franc jeu, sans barguigner. Car Jean-Paul Rappeneau et son co-adaptateur Jean-Claude Carrière ont opté pour la solution la plus intelligente, la moins frileuse. Fervents, gourmands de Rostand mais néanmoins lucides – leur grand homme faisait long et parfois furieusement abscons -, ils ont su l’élaguer sans le châtrer, alléger sa rhétorique sans briser sa géniale métrique, couper par ci, resserrer par là. Du grand art.”
Danièle Heymann, in “ Le Monde ”, 28 mars 1990
Pistes de travail
Théâtre et cinéma
On peut faire un rapprochement avec le théâtre de Victor Hugo et aborder ce qu’on pourrait appeler le néo-romantisme de “ Cyrano ”.
Mise à jour: 16-06-04
Expériences
Cyrano, entre théâtre et cinéma
Le “ Cyrano de Bergerac ” le plus présent, encore aujourd’hui, dans les mémoires reste la magnifique adaptation de Claude Barma pour la télévision en 1960. Françoise Christophe jouait le rôle de Roxane, Michel Le Royer celui de Christian et Daniel Sorano, sublime, le rôle titre. Cette adaptation n’a peut-être jamais été égalée !
La première adaptation de Cyrano pour le cinématographe est italienne et… muette ! Elle est signée Augusto Genina en 1923. Viennent ensuite un film français de Fernand Rivers avec Claude Dauphin en 1945, et un film américain de Michael Gordon avec José Ferrer en 1951. Abel Gance, quant à lui, rend un hommage détourné à Rostand avec son film de 1962 Cyrano et d’Artagnan, dans lequel le rôle de Cyrano est interprété par Mel Ferrer.
L’adaptation la plus intéressante eût sans doute été celle que Welles envisageait dès 1947. Malheureusement le projet n’aboutit pas.
“… Je me suis souvenu aussi, dit Jean-Paul Rappeneau, qu’Orson Welles avait envisagé de réaliser un Cyrano. Cela m’a conforté dans mon projet. Si un personnage de l’envergure de Welles avait caressé un tel dessein, et rêvé d’endosser le rôle-titre, c’est donc qu’il était possible de donner du mouvement et de l’ampleur à la pièce. C’est que le film était possible. C’est ce qui m’a décidé à relever le défi. À l’époque, les droits appartenaient au producteur anglais Alexander Korda. Welles était à l’apogée de sa gloire. Alexandre Trauner, le grand décorateur, a travaillé près d’un an à la préparation du film. Welles, pendant ce temps, était enfermé avec son scénariste dans un hôtel à Paris. Je sais qu’il voulait démonter la pièce et la remonter à sa façon. Je peux imaginer comment il aurait pris Cyrano : à bras le corps. J’ai vu aussi les maquettes des décors de Trauner. À travers elles, et mon admiration pour Welles, je me suis projeté un film imaginaire. Car un jour Alexander Korda a décidé d’abandonner le projet. Il a vendu les droits à une compagnie américaine, celle qui a produit le film de Michael Gordon. Welles, déçu, a quitté Rostand pour Shakespeare. L’année suivante, il tournait Othello. ”
Au théâtre
En ce qui concerne les mises en scène théâtrales, les adaptations se sont succédées de manière à peu près régulière depuis la création par Coquelin, le 28 décembre 1897. Parmi les jalons marquants, il faut retenir un “ Cyrano ” au théâtre Sarah-Bernhardt, en 1928, et la création à la Comédie-Française par André Brunot, le 19 décembre 1938 : Marie Bell interprétait Roxane, la mise en scène était signée Pierre Dux.
Plus récemment, le 8 février 1964, le Théâtre-Français confie à Jacques Charon le soin de reprendre l’œuvre. Jean Piat jouait Cyrano en alternance avec Paul-Émile Dreiber.
Les deux dernières reprises sont celle de Jérôme Savary, avec Jacques Weber (le Comte de Guiche dans la version Rappeneau) et celle de Robert Hossein avec Jean-Paul Belmondo en 1990.
On notera enfin quelques adaptations musicales : en 1913, à New York, un opéra de l’Américain Walter Damrosch ; en 1936, à l’Opéra de Rome, une version signée Franco Alfano ; en 1974, un Cyrano lyrique du compositeur estonien Eino Tamberg et enfin en 1980, au Festival de Liège, l’interprétation par Gabriel Bacquier de l’œuvre de Paul Danblon.