Synopsis
Gonzalo Infante, issu des beaux quartiers, et Pedro Machuca, qui survit dans un bidonville, tous deux âgés de onze ans se rencontrent sur les bancs de l’école grâce à l’initiative idéaliste du Père Mac Enroe : permettre aux enfants de milieu défavorisé d’intégrer le collège catholique très huppé qu’il dirige. Son but : apprendre à tous le respect et la tolérance au moment où le climat politique et social se dégrade dans le pays… De cette atmosphère fiévreuse naît une amitié profonde entre les deux garçons qui partagent un premier amour, des rêves de justice et un instinct de rébellion. Ensemble, ils seront les témoins impuissants du coup d’Etat sanglant qui signe la fin de l’époque d’Allende…
Générique
Titre original : Machuca
Réalisation : Andres Wood
Scénario : Roberto Brodsky, Mamoun Hassan, Andres Wood
Image : Miguel J. Littin
Montage : Fernando Pardo
Son : Marcos Maldasky
Musique : Jose Miguel Miranda, Jose Miguel Tobar
Production : Gerardo Herreor, Mamoun Hassan, Andres Wood
Distribution : Ocean Films
Couleur
Durée : 2 h 00
Interprétation
Gonzalo Infante / Matías Quer
Pedro Machuca / Ariel Mateluna
Silvana / Manuela Martelli
María Luisa (la mère de Gonzalo) / Aline Küppenheim
Padre Mc Enroe / Ernesto Malbrán
Juana (La mère de Pedro) / Tamara Acosta
Patricio Infante / Francisco Reyes
Willi / Alejandro Trejo
Miss Gilda María / Olga Matte
Lucy / Gabriela Medina
Ismael / Luis Dubó
Isabel / Andrea García Huidobro
Pablo / Tiago Correa
Coronel Sotomayor / Pablo Krögh
Autour du film
Le riche et le pauvre. Il s’agit de la reconstitution d’une chronique de la vie à Santiago du Chili en 1973, pendant les derniers mois du gouvernement de Salvator Allende, avant son suicide et son remplacement par le général Pinochet. Le scénario puise dans les souvenirs du cinéaste, qui avait 8 ans à l’époque et qui a connu la période où, pour la première fois au Chili, des élèves indiens défavorisés étaient intégrés dans des classes de collèges rupins. Cette nouvelle promiscuité sociale et ethnique reposait sur un postulat optimiste que les forces réactionnaires vont vouloir à toute force démentir. Les personnages principaux sont deux gamins, l’un des beaux quartiers, Gonzalo Infante, l’autre, Pedro Machuca, issu d’un bidonville.
Gonzalo est couvé par une mère volage éprise d’un vieux riche, Pedro partage une masure en tôle ondulée avec sa mère, sa soeur Silvana et un bébé. L’amitié entre le riche et le pauvre aurait pu donner lieu à un récit mièvre, or Andres Wood parvient, en suivant les règles d’un récit classique, à brosser à travers les points de vue des deux enfants (ni tout à fait engagés, ni vraiment dégagés) un tableau de la société chilienne de l’époque.
La figure du prêtre rouge américain, le père McEnroe, le petit copain fascisant de la soeur de Gonzalo, les camarades d’école plus cons encore que leurs parents («bourges de merde», comme les désigne Silvana, la rage au cœur)… Les événements politiques, la crise économique, les tensions interpartis ne servent pas ici de toile de fond aux péripéties enfantines de l’action principale du film. Il s’attache au contraire à montrer comment, dans le détail du quotidien des enfants, les choix politiques des adultes sont décisifs, comment ils peuvent plus ou moins se défendre contre les a priori idéologiques de leurs parents puis redevenir impuissants quand tout bascule et que l’armée dicte les nouvelles règles.
Simple et élégant. Filmé avec simplicité, réussissant avec élégance le pari toujours risqué de la reconstitution seventies, très bien interprété (notamment par les deux garçons, Matias Quer et Ariel Mateluna), Machuca contient de nombreuses séquences étonnantes : Gonzalo, Pedro et Silvana s’embrassant sur la bouche en s’échangeant du lait concentré, les gamins passant d’une manif anti-Allende à une autre de ses partisans pour vendre des drapeaux, les habitants affamés raflant les chiens pour les manger ou encore le père McEnroe dévorant toutes les hosties en signe de protestation contre la dictature et l’imposition de la loi martiale dans son collège.
Didier Péron / Libération 22 mai 2004
… Andrés Wood nous touche en prenant – avec beaucoup de sensibilité – le parti des enfants face à des adultes qui cultivent préjugés et inégalités, hypocrisies et mesquineries. Ainsi, la mère de Gonzalo, qui ne consent à passer des après-midi avec lui que pour couvrir sa relation adultère avec un homme d’un milieu encore plus aisé que le sien. Mais être pauvre ne rend pas la famille de Machuca meilleure : les moqueries accueillent Gonzalo, qui passe pour un fils à papa égaré, un faux frère…
A travers une reconstitution des années 70 très juste, Andrés Wood décrit une société chilienne étouffante, minée par les tensions. La belle amitié de ses personnages est vite rattrapée par l’amertume d’une vie où tout devient politique, où chacun est d’abord un ennemi de classe. Même leur flirt avec la jeune cousine de Machuca perd son innocence, quand l’initiation sentimentale et ses jeux improvisés, joliment décrits, croise le destin tragique de tout un pays. Cette manière décalée d’aborder la réalité historique fait toute l’originalité du film, même si on peut regretter que le passage des destins individuels à l’histoire collective manque un peu de lyrisme. Mais, jusque dans les moments les plus convenus, Andrés Wood garde cette générosité du regard où l’on sent l’influence (revendiquée) de Truffaut et de Louis Malle. On pense en l’occurrence beaucoup à Au revoir les enfants. Référence heureuse.
Frédéric Strauss / Télérama n° 2871 – 22 janvier 2005