Tempête

France (2016)

Genre : Drame

Écriture cinématographique : Fiction

Prix Jean Renoir des lycéens 2015-2016

Synopsis

À 36 ans, Dom est marin pêcheur en haute mer et ne rentre que quelques jours par mois à terre. En dépit de ses longues absences, il a la garde de ses deux enfants. Dom fait tout pour être un père à la hauteur. Il rêve même d’avoir sa propre affaire, un petit bateau de pêche à la journée qu’il exploiterait avec son fils. Assez grands pour s’assumer, Maylis et Mattéo n’en sont pas moins deux adolescents qui font leurs propres expériences. L’une d’elles, malheureuse, va forcer Dom à faire un choix entre son métier au grand large et sa vie de famille.

Distribution

Dom : Dominique Leborne
Matteo : Matteo Leborne
Mailys : Mailys Leborne

Générique

Réalisation : Samuel Collardey
Scénario : Samuel Collardey et Catherine Paillé
Chef opérateur : Samuel Collardey
Ingénieur du Son: Vincent Verdoux
Montage : Julien Lacheray
Montage Son : Valerie Deloof
Mix : Julien Roig
Durée : 1h29

Autour du film

Après un passage par la fiction intégrale (Comme un lion) où il avait accusé de sérieuses limites, Samuel Collardey revient avec Tempête à un principe sur lequel il avait basé la réussite de son premier long métrage L’Apprenti (2008). Soit la direction d’interprètes principaux non professionnels rejouant leur propre rôle suivant un scénario aussi proche que possible de leur vie réelle : ici Dominique Leborne, son fils Matteo et sa fille adoptive Maïlys. On note aussi, cette fois, la présence d’acteurs professionnels, notamment une apparition de Patrick D’Assumçao devenu familier avec L’Inconnu du lac d’Alain Guiraudie. Bonne surprise : en renouant avec ce principe de source réelle, Collardey retrouve également l’acuité de regard qu’on a connue à ses débuts.

Les prémices scénaristiques sont aussi simples, voire proches des clichés d’un certain genre de fiction, que dans L’Apprenti. Dominique, marin-pêcheur « dans le sang », se voit sommé de mettre de l’ordre dans sa vie s’il veut conserver la garde de ses enfants que son ex-compagne lui dispute. Pas facile, bien sûr, quand l’argent manque pour ce grand chantier (il suspend ses sorties en mer, prend des cours pour devenir capitaine, retape sa maison), et quand même les jeunes gens se mettent à prendre leurs distances avec ce père trop souvent absent, notamment Maïlys, enceinte à 16 ans d’un foetus non viable. Comme aux origines, Tempête fait mine d’emprunter les rails d’un genre balisé mais en déjoue discrètement les attentes, tirant des situations et des acteurs-personnages un effet de réel qui va à l’encontre des lieux communs de la dramaturgie. Dominique se bat, mais avant tout il endure, retient ses éclats même quand la colère sourd en lui. Ne pas chercher de grands éclats dramatiques dans son jeu (ni dans ceux de ces partenaires, d’ailleurs). Quand on lui oppose un refus (comme dans cette scène très réussie de face-à-face avec les armateurs), il se contente de prendre son manteau et de sortir chercher un espoir ailleurs. Les efforts, auxquels le spectateur adhère a priori, ne seront pas toujours récompensés, ni même n’appellent forcément la sympathie de tous, eu égard aux sacrifices qu’ils entraînent. Dominique endure, mais les échecs minent néanmoins (le repli sur soi guette). Les objectifs changent, à moins que ce ne soit les vrais qui se révèlent : on admet que la lutte n’est pas administrative mais personnelle.

Proximité respectueuse

Il y a à l’œuvre une justesse d’écriture et de direction d’acteur, mais aussi une honnêteté du regard de la caméra qui traite toujours ses personnages avec le respect dû à la part de réel qu’ils sont. La part documentaire affleure même particulièrement quand certains personnages filmés parlent, et que leur parole fait l’effet d’un témoignage sur leur existence (à l’école par exemple, où Dominique explique son métier). Une fiction respectant son matériau réel : c’est la plus-value de Tempête et de L’Apprenti, mais aussi leur limite. Collardey, confiant dans la matière cinématographique inhérente au réel qu’il exploite, restreint à dessein sa marge de manœuvre pour en créer. Sa mise en scène, cherchant une proximité respectable avec ses acteurs, reste d’une certaine façon à la remorque de son matériau, si bien que son cinéma n’atteint pas la force qu’on pourrait attendre de ses sujets, de sa méthode. Il n’en demeure pas moins que ses capacités d’écoute, de respect, de mise en évidence de ce qui échappe à la dramaturgie la plus balisée, sont des plus bienvenues.

Par Benoît Smith, Critikat