Vacances de Monsieur Hulot (Les)

France (1953)

Genre : Burlesque

Écriture cinématographique : Fiction

École et cinéma 2004-2005

Synopsis

La France des années cinquante, l’univers des vacanciers, le bord de mer, l’hôtel de la plage avec ses familles d’estivants, de touristes étrangers, de couples en promenades, d’enfants sages ou délurés, la villa où résident la jolie Martine et sa tante… Au milieu de tout ce petit monde : Monsieur Hulot. Un gentil hurluberlu, dont les maladresses tantôt discrètes, tantôt pétaradantes, viennent troubler jusqu’à l’apothéose finale d’un feu d’artifice déclenché par erreur, la banalité quotidienne et les petits rituels de ce microcosme presque « documentaire ».

Générique

Réalisation : Jacques Tati
Scénario et dialogues : Jacques Tati, Henri Marquet et Jacques Lagrange
Image : Jacques Mercanton et Jean Mousselle
Prises de vue : A. Villard et Pierre Ancrenaz.
Montage : Jacques Grassi, Ginou Bretoneiche et Suzanne Baron
Décors : Henri Schmitt, Roger Briancourt.
Musique : Alain Romans avec l’orchestre d’Aimé Barelli.
Montage sonore : Michel-Ange
Directeur de Production : Fred Orain pour Cady-Films Discina.
Tournage : de Juillet à Octobre 1952 à Saint Marc sur Mer
Sortie en France: 1953
Durée : 1 h 36
Prix de la Critique Internationale à Cannes (1953) parmi d’autres…
Interprétation
Monsieur Hulot/ Jacques Tati
Martine/ Nathalie Pascaud
La tante / Michèle Rolla
L’Anglaise / Valentine Camax
Le Commandant/ André Dubois
Son épouse/ Suzy Willy
Le promeneur / René Lacourt
La promeneuse / Marguerite Gérard
L’hôtelier/ Lucien Fregis
Le Garçon / Raymond Carl
Monsieur Fred / Louis Perault
Le Sud-Américain/ Georges Adlin
L’estivante/ Michèle Brabo
L’homme d’affaires / Monsieur Schmutz (non crédité au générique) époux de Nathalie Pascaud

Autour du film

Dans un article paru peu après la sortie du film, Barthélémy Amengual souligne l’originalité de Tati dans le burlesque : Il est, écrit-il, le premier à fondre le comique de mœurs et le comique burlesque. […] Avec lui ,le burlesque atténue son irrationalité […] La réalité des mœurs et des caractères doucement s’irréalise [… il] s’est donc attaché à banaliser son burlesque, à lui faire toucher terre. C’est bien dans cette dimension qui fait « doucement » émerger de la banalité du quotidien et d’un réalisme minutieux le gag burlesque, c’est-à-dire le surréel du réel ou au contraire la rationalité de l’absurde, que réside l’art original et « supérieur » de Tati dans le grand genre cinématographique du comique. Et c’est bien dans Les Vacances de Monsieur Hulot, à travers ce thème si collectivement régulé des mœurs de notre temps et l’apparition de son personnage central : ce Monsieur Hulot, d’apparence si banalement « moyenne », « petite bourgeoise », que Tati met au point les ressorts, les fondements mêmes de son comique : un burlesque de la discrétion.

Par définition le burlesque est excès, explosion, profusion, grossissement caricatural du trait jusqu’à l’outrance. Or Tati réussit à s’inscrire pleinement dans le genre tout en l’affinant, l’allégeant, le dépouillant à l’extrême pour nous laisser par delà l’effet comique, le rire, une vision du monde d’une perspicacité, d’une véridicité si aiguë et si simple que le spectateur reste confondu, pris entre le rire et l’admiration pour la justesse d’observation du monde « tel qu’il est ».

L’importance des Vacances de Monsieur Hulot ne saurait être surestimée. Il s’agit non seulement de l’œuvre comique la plus importante du cinéma mondial depuis les Marx Brothers et W. C. Fields mais d’un événement dans l’histoire du cinéma parlant. Comme tous les grands comiques, avant de nous faire rire, Tati crée un univers. Un monde s’ordonne à partir de son personnage, cristallise comme la solution sursaturée autour du grain de sel qu’on y jette. Certes le personnage créé par Tati est drôle mais presque accessoirement et en tout cas toujours relativement à l’univers […]Le propre de M. Hulot semble être de ne pas oser exister tout à fait. Il est une velléité ambulante, une discrétion d’être. Il élève la timidité à la hauteur d’un principe ontologique ! Mais naturellement cette légèreté de touche de Mr Hulot sur le monde sera précisément la cause de toutes les catastrophes, car elle ne s’applique jamais selon les règles des convenances, de l’efficacité sociale […]. Comme tout grand comique celui des Vacances de Monsieur Hulot est le résultat d’une observation cruelle […]Il ne semble pas pourtant, et c’est peut-être la plus sûre caution de sa grandeur, que le comique de Jacques Tati soit un pessimisme, pas plus que celui de Chaplin. Son personnage affirme, contre la sottise du monde, une légèreté incorrigible. Il est la preuve que l’imprévu peut toujours survenir et troubler l’ordre des imbéciles, transformer une chambre à air en couronne mortuaire et un enterrement en partie de plaisir ».
André Bazin, Monsieur Hulot et le temps, dans Esprit, 1953, article repris dans Qu’est-ce que le cinéma ? Paris, Cerf, 1981

Vidéos

Ping-pong et rires hors-champ, contre-lecture et partie de cartes

Catégorie :

« Soirée à l’hôtel : un vrai travail d’horloger » par Carole Desbarats

La profondeur de champ

Catégorie :

C’est la zone, dans l’axe de la prise de vue, où les objets apparaîtront “nets”. Selon les lois de l’optique, une lentille convergente (l’objectif) fait converger les rayons lumineux émis par l’objet filmé. Si le point de convergence coïncide avec le plan du film, l’image de l’objet sera nette ; et si ce point se situe, plus ou moins, en avant ou en arrière du plan du film, l’image sera plus ou moins floue.

La netteté optimale se trouve au premier tiers dans la zone de netteté : elle est donc plus courte devant l’objet que derrière.
L’importance de cette zone de netteté (c’est-à-dire la profondeur de champ) est fonction de deux paramètres :

– la distance focale : plus cette distance (caractéristique inhérente à l’objectif) est courte, plus l’angle de prise de vue sera large et plus la profondeur de champ sera grande. À l’inverse, une longue focale (télé-objectif) réduira considérablement la profondeur de champ, comme l’angle de prise de vue.

– l’ouverture du diaphragme : plus le diaphragme (opercule réglable qui laisse passer plus ou moins de lumière) sera fermé, plus la profondeur de champ sera faible. À l’inverse, plus ce diaphragme sera ouvert, plus la profondeur de champ sera grande.
La mesure de cette ouverture est exprimée par un rapport inversé : 1/3,5; 1/5,6; 1/8; 1/16; 1/22. “F3,5” est donc une valeur d’ouverture plus grande que “ F22 ”.

Esthétique de la profondeur de champ

L’utilisation de la profondeur de champ a donné lieu à de véritables partis pris esthétique pour “représenter” l’espace cinématographique. Jean Renoir, l’un des premiers, utilisa cette possibilité dans Une partie de campagne pour laisser au regard du spectateur la liberté de découvrir les différents plans dans la profondeur du champ, du premier plan à l’arrière, de faire jouer ces différents plans les uns par rapport aux autres. Pour gagner plus de profondeur, il utilisa des objectifs photo du début de siècle (pensez à L’Arrivée du train en gare de La Ciotat des Frères Lumière), qui ne possédait que de faibles ouvertures de diaphragme. Plus tard, Orson Welles, grâce à des pellicules plus rapides, put se permettre de fermer davantage ses diaphragmes pour bénéficier d’une plus grande profondeur de champ : dans Citizen Kane, ses personnages sont toujours mis en perspective dans des décors ou des structures picturales qui jouent un rôle essentiel dans la dramaturgie du film.

On aura remarqué dans Le Gone du Chaâba, comment Christophe Ruggia place dans la profondeur du champ l’univers du bidonville qui prend véritablement valeur de personnage : “le chaâba”.


Analyse et montage : Cécile Paturel

Pistes de travail

L’apport de Tati au renouvellement du comique et à l’expression cinématographique suggère certains axes à l’étude du film.

  • Le comique : allègement des traits spécifiques du genre, outrance de la caricature, cruauté de la satire, violence des actions, irréalisme des situations. Ici, peinture des personnages qui évite la « charge », ironie aimable, actions plutôt en décalage, représentation réaliste presque documentaire.
  • La construction narrative et dramatique : ici, comme toujours dans le burlesque, peu rigoureuse : chaque scène vaut pour elle même dans une quasi autonomie et pourrait se permuter à d’autres. Pourtant une relative logique dans la succession des actions : départ, arrivée, installation… et une certaine progression dramatique par amplification des gags (la catastrophe finale du feu d’artifice) y compris dans la répétition (l’écoulement de la guimauve).
  • Les paramètres purement cinématographiques : bande son notamment et ses articulations à l’image :  » insignifiance de la parole  » (Bazin) et survalorisation des autres matériaux sonores : bruits, musique. Structuration des gags sur ce contrepoint sonore.Mise à jour : 16-06-04

Expériences

Deuxième long métrage réalisé et interprété par Tati, Les Vacances de Monsieur Hulot inaugure la création de l’inoubliable personnage qui réapparaîtra de film en film jusqu’à Trafic.

Le génie comique de Tati avait été révélé par Jour de fête. Son succès public et critique faisait attendre une suite aux mésaventures du drolatique facteur de village. Pourtant l’exigeant Tati, renonçant aux facilités de la série à succès, met cinq ans à sortir ce deuxième film centré cette fois sur l’anti-héros, si singulier qu’est Monsieur Hulot. Désormais, c’est à travers la présence de ce personnage « décalé » du monde dans lequel il évolue, et que sa poétique inadaptation perturbe, que Tati va dresser une suite de tableaux ironiques de la société moderne issue des « Trente Glorieuses » (selon l’expression de son ami Alfred Sauvy).

C’est avec Les Vacances, donc, que Tati entame vraiment « son » œuvre, au sens le plus personnel et original du terme. Une œuvre qui comptera dorénavant parmi les plus novatrices de l’époque, tant dans l’invention comique que dans l’expression purement cinématographique.

L’œuvre de Tati se signale parmi celles qui ne sont pas isolables de leur contexte historique tout en le dépassant. En effet, ce très fin observateur de son temps élabore, des Vacances de Monsieur Hulot à Trafic, une fresque drolatique et incisive sur les mutations liées à la modernité de la deuxième moitié du vingtième siècle. De l’univers des « vacanciers », en passant par les standards de vie urbains et bourgeois de Mon oncle et le tableau cosmopolite et néo-futuriste de Playtime, jusqu’à la société de consommation version Trafic, c’est une remarquable observation/reconstitution des traits typiques de cette société ou civilisation, dite encore « de loisirs » ou « moderne », voire « post-moderne » que nous livre le regard de Tati. Regard à la fois distancié et proche, semblable à « l’observation participante » de l’ethnologue. Cette posture de Tati/Hulot n’est-elle pas la seule vivable désormais pour l’homme contemporain, écartelé entre les attraits de cette modernité et son envers : standardisation des modes de vie, conformisme, fétichisme du progrès d’un monde qui s’éloigne de l’humain ? Tati peut figurer parmi les grands sociologues critiques de ce monde-là : le nôtre.

Outils

Bibliographie

Hulot parmi nous, Geneviève Agel, Ed. du Cerf, 1955.
Jacques Tati, Armand-Jean Cauliez, Ed. Seghers, 1962.
Jacques Tati, Michel Chion, Ed. Cahiers du cinéma, 1987.
Les vacances de Monsieur Hulot de Jacques Tati, Jacques Kermabon, Ed. Yellow Now, 1988.
Tati, Marc Dondey, Ed. Ramsay, 1989.
Mon oncle de Jacques Tati, Francis Ramirez et Christian Rolot, Ed. Nathan, 1993.

Cahier des Ailes du Désir n°2 - Notes sur la musique des Vacances de M.Hulot et de Mon Oncle par J.P.Eugène

Vidéographie

Mon Oncle (Pour la classe). Distribution ADAV n° 7 178. site de l’ADAV
Playtime (Pour la classe). Distribution ADAV. site de l’ADAV

Web

Site officiel : Tati Ville