Biographie
(1932-1984)
François Truffaut est né à Paris, d’un père architecte-dessinateur et d’une mère secrétaire à « L’Illustration ». Sur le plan social, la légende qui fait de lui un enfant malheureux, voire maltraité, est absurde. Il apprendra plus tard, et ce sont des faits aujourd’hui connus, dont certains alimentent très partiellement Les Quatre cents coups, que sa mère, Janine de Montferrand – il utilisera parfois le pseudonyme de François de Montferrand -, appartenant à une aristocratie désargentée mais très soucieuse des apparences, avait « fauté » et fut envoyée, durant sa grossesse dans une institution religieuse pour filles-mères. Après avoir placé l’enfant un temps en nourrice, Janine épouse Roland Truffaut, qui donne son nom à l’enfant. à l’époque de Baisers volés, François fit des recherches et découvrit que son père était dentiste dans l’Est et d’origine juive.
Enfant, François Truffaut admire sa mère, mais elle ne le supporte pas, l’oblige souvent à se faire oublier, à lire en silence (comme le héros de L’Homme qui aimait les femmes)’85 Il se réfugie d »ord dans la lecture, puis, avec son camarade d’école Robert Lachenay, dont la situation familiale est moins difficile mais tout aussi dénuée d’affection, sèche fréquemment l’école pour le cinéma. Bientôt, il voit plusieurs fois les mêmes films, constitue des fiches, encyclopédies et dictionnaires du cinéma n’existant pas à l’époque.
Dès l’âge de 14 ans et demi, il quitte volontairement l’école et exerce des « petits métiers » : garçon de course, employé de bureau, soudeur à l’acétylène’85Il fréquente les ciné-clubs qui existent à profusion après la Libération et fonde, en 1947, avec Robert Lachenay, le « Cercle Cinémane ». Il rencontre alors André Bazin, responsable de la section cinématographique de « Travail et Culture », une organisation de culture populaire née dans la mouvance de la Libération, proche du Parti Communiste, qui deviendra, après l’évolution vers la Guerre froide, « Peuple et culture », de tendance chrétienne et sociale (comme la revue « Esprit », à laquelle collabore Bazin). André Bazin, militant acharné de la cause cinématographique et tenu aujourd’hui pour un des grands théoriciens de la modernité cinématographique, jouera jusqu’à sa mort, un rôle de père et le fera travailler en sa compagnie puis, grâce à ses recommandations, lui permet d’écrire ses premiers articles dans « Le Bulletin du Ciné-Club du Quartier latin », dont s’occupe entre autres àric Rohmer, mais aussi dans des journaux comme « Elle ».
Une déception sentimentale pousse Truffaut à devancer l’appel et s’engager dans l’artillerie le 27 décembre 1950. Comprenant que dans six mois, il partira pour l’Indochine, il demande leur aide à Bazin, Rohmer et le directeur de « Elle », pour être affecté à Baden-Baden, à la « Revue d’information des troupes d’Occupation en Allemagne »’85 En vain. Rentré en permission à Paris, il devient déserteur. Bazin le convainc de retourner à l’armée, où il se retrouve en prison militaire, puis en hôpital psychiatrique après une tentative de suicide. Il vit ensuite chez André et Janine Bazin, écrit ses premiers articles pour les « Cahiers du cinéma », dont il devient un élément actif et indispensable.
Après deux ans d’hésitation, Bazin et les autres rédacteurs en chef, dont Jacques Doniol-Valcroze, plus modéré, y acceptent la publication d’un pamphlet qui bouscule la profession. « Une certaine tendance du cinéma français » (« Cahiers du cinéma », n° 31) attaque avec virulence les scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost, et les plus appréciés des cinéastes français en activité (Claude Autant-Lara), leur opposant ceux qu’il considère comme des « auteurs », Renoir, Guitry, Gance, Ophuls, Becker, Bresson, Astruc’85 Ce texte fonde le mouvement critique qui va donner naissance à la Nouvelle Vague. d’autant que Jacques Laurent (qui écrit la série des « Caroline chérie » sous le nom de Cécil Saint-Laurent), à la recherche de jeunes talents pour son hebdomadaire « Arts », et donne carte blanche au virulent jeune critique avec des titres largement à la « Une », offrant aux idées des « Jeunes Turcs » des « Cahiers », comme on les appelle alors, une tribune plus large que celle de leur mensuel.
On imagine mal aujourd’hui ce combat et cette virulence. Les jugements sont parfois expéditifs : « Titanic est un film qui plaira aux femmes et aux enfants d »ord ». « John Ford, c’est Saint-Ex qui n’aurait pas dépassé la maternelle ». « Grossièreté, hargne, méchanceté, mesquinerie, muflerie, menue bassesse, délire, exagération sont les mots clés pour comprendre Autant-Lara »’85 Dans le même temps, Truffaut sait définir une ligne de conduite inflexible : « Je crois que souvent les critères esthétiques sont liés à des critères moraux ; il y a des films réussis et des films ratés, mais il y a aussi des films nobles et des films abjects. Il y a une morale artistique qui n’a aucun rapport avec la morale courante, mais qui existe. »
En 1954, Truffaut réalise son premier court métrage inachevé, Une visite (avec Jacques Rivette à la caméra et Alain Resnais au montage). Deux ans plus tard, il devient une sorte de « secrétaire », de Roberto Rossellini avec qui il voyage pour des films qui ne seront jamais tournés.
En 1958, son second court métrage, Les Mistons, adapté d’une nouvelle de Maurice Pons est volontairement « virtuose ». Exclu du Festival de Cannes pour avoir laissé planer le doute sur la liberté des décisions du Jury, le critique insupportable doit faire ses preuves. Certains lui reproche son « arrivisme » quand il épouse la fille d’un important producteur-distributeur, Ignace Morgenstern, et fonde avec son ami Marcel Berbert, une société de production, Les Films du Carrosse (en hommage au film de Jean Renoir : Le Carrosse d’or), qui lui garantira son indépendance financière durant toute sa carrière.
Les Quatre cents coups obtient un succès public et critique considérable. D’inconnu, Truffaut devient célèbre et, désormais, bon an mal an, il peut poursuivre sa carrière de réalisateur, tout en continuant à écrire, pour son plaisir (la passion des livres) ou par une passion et une dette particulière envers le cinéaste qui l’a le plus marqué : « Hitchcock/Truffaut », selon le titre de l’édition aujourd’hui complétée et définitive (Gallimard), à partir de 50 heures d’entretiens avec le cinéaste.
Sa passion pour la littérature l’amène à tourner à peu près autant d’adaptations de romans, de nouvelles ou de récits historiques que de scénarios originaux. L’écriture fait partie de sa vie comme de son cinéma. Les personnages des Mistons passent par l’écriture comme Antoine Doinel ’85 Jules et Jim est l’exemple-type, comme le sera Les Deux Anglaises et le continent, tous deux adaptés de romans d’Henri Pierre Roché, de l’adaptation qui respecte à la lettre la texture et la musique verbale des textes, dans la continuité du Journal d’un curé de campagne, de Bresson d’après Bernanos, que le jeune Truffaut opposait aux trahisons d’Aurenche, Bost et Autant-Lara. Mais il serait facile d’opposer platement les adaptations littéraires dont se nourrit l’œuvre de Truffaut à une veine personnelle et plutôt autobiographique, comme la saga Doinel, mais aussi La Peau douce, L’Homme qui aimait les femmes, voire La Femme d’à côté. Des films adaptés de romans ou de nouvelles diverses comptent parmi ses œuvres les plus personnelles et intimes : L’Histoire d’Adèle H., malgré le paravent apporté par Adèle et Victor Hugo. Il n’est jamais aussi personnel, voire autobiographique, que lorsqu’il adapte les travaux du Professeur Itard dans L’Enfant sauvage ou des textes de Henry James dans La Chambre verte, dans lesquels il joue d’ailleurs lui-même. Truffaut dispara’eet, trop tôt, victime d’une tumeur cérébrale, en 1984, après le très césarisé Dernier métro, qui lui fait dire que l’on est pas nécessairement récompensé pour ce que l’on voudrait, et l’assez académique mais plaisant Vivement dimanche !
Filmographie
Réalisateur
- 1954 Une visite (court métrage, muet)
- 1958 Les Mistons (court métrage)
- 1958 Histoire dêu (court métrage, co-réalisé avec Jean-Luc Godard)
- 1959 Les Quatre cents coups
- 1960 Tirez sur le pianiste
- 1962 Jules et Jim
- 1962 Antoine et Colette (sketch du film L'Amour à vingt ans)
- 1964 La Peau douce
- 1966 Fahrenheit 451
- 1968 La Mariée était en noir
- 1968 Baisers volés
- 1969 La Sirène du Mississipi
- 1970 L'Enfant sauvage
- 1970 Domicile conjugal
- 1971 Les Deux Anglaises et le continent
- 1972 Une Belle fille comme moi
- 1973 La Nuit américaine
- 1975 L'Histoire d'Adèle H
- 1976 L'Argent de poche
- 1977 L'Homme qui aimait les femmes
- 1978 La Chambre verte
- 1979 L'Amour en fuite
- 1980 Le Dernier métro
- 1981 La Femme d'à côté
- 1983 Vivement dimanche ! Mise à jour le 26 mai 2009
Outils
Films
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